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Les huit cents inscrits de la présente année 1919 représentent donc à peu près tout ce que l’Alsace-Lorraine peut fournir d’étudiants à l’Université de Strasbourg ; mais ce nombre même va probablement diminuer. De jeunes Alsaciens voudront poursuivre leurs études dans des Universités françaises, afin de s’y familiariser avec notre langue, et l’on aura raison de les y encourager, car il est souhaitable de voir beaucoup d’Alsaciens en France, — comme beaucoup de Français en Alsace. Cet exode, d’ailleurs, ne sera que passager. Autre danger plus grave et plus durable : les Lorrains continueront-ils de suivre les cours de Strasbourg ? C’est une conception tout artificielle, contraire au passé et au tempérament des deux provinces que celle d’une Alsace-Lorraine. Victimes de la même iniquité, soumis au même joug, les Alsaciens et les Lorrains ont vécu comme des frères d’infortune ; ils détestaient trop les Allemands pour songer qu’ils différaient entre eux sur bien des points. Aujourd’hui, l’histoire va reprendre son cours, et chacun des deux peuples suivre son humeur. L’Alsace plus particulariste restera chez elle. La Lorraine désannexée obéira à ses affinités séculaires, et ce n’est plus vers Strasbourg qu’elle tournera les yeux, mais vers Nancy. L’Université de Nancy recueillera la plupart des étudiants lorrains. Le mouvement a commencé. Il serait imprudent de le contrarier. Nancy a beaucoup souffert de la guerre et souffrira davantage de la paix. Il devait son magnifique développement pour une large part aux Lorrains et aux Alsaciens venus en France après l’annexion de 1871. Bon nombre de ceux-ci retourneront au pays. Nancy perdra tous les avantages que lui valait la proximité de la frontière. Son Université pour laquelle il fit tant de sacrifices, pâtira du voisinage de l’Université française de Strasbourg. Si l’appoint des étudiants lorrains doit la dédommager de tant de pertes, tout le monde s’en réjouira.

Les Alsaciens formeront donc le noyau de l’Université, mais, pour que celle-ci puisse réaliser tous les espoirs qu’on met en elle, il faut que des étudiants du dehors viennent renforcer l’élément indigène.

On a dit le plus sérieusement du monde : pourquoi des étudiants allemands ne grossiraient-ils pas, comme par le passé, la population universitaire de Strasbourg ? — Au moment même où les Allemands sont repoussés sur la rive droite du