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Rhin, et où, au gré du peuple d’Alsace, les expulsions sont trop lentes et trop rares, on inviterait d’autres Allemands à s’asseoir sur les bancs de l’Université de Strasbourg ! Inutile d’insister sur cette idée stupéfiante.

Ce sont des étudiants français qu’il convient d’appeler d’abord à Strasbourg. L’État dispose de peu de bourses pour l’enseignement supérieur ; que, du moins, il en réserve quelques-unes à la nouvelle Université. D’autres bourses seront bientôt créées, espérons-le, soit par des particuliers, soit par des sociétés dévouées à l’intérêt national. Il faudrait, avant tout, persuader aux familles françaises d’envoyer leurs enfants faire au moins une année d’études à Strasbourg ; ils y trouveront une atmosphère salubre de sérieux et de travail ; ils y seront reçus avec cette bonne grâce simple et cordiale qui fait le charme de l’accueil alsacien ; ils y travailleront pour la France et eux-mêmes y apprendront certaines choses qu’on ne saurait apprendre ailleurs. Bientôt les nouvelles générations auront quelque peine à comprendre les passions et les souffrances de leurs aînés ; elles ne distingueront que confusément les raisons et le sens de la guerre. Les Alsaciens se chargeront de leur dire la vérité, l’effroyable vérité sur l’Allemagne, car, eux, ils ne sont pas près de l’oublier. Puis, au spectacle de toutes les beautés de l’Alsace, de ses forêts et de ses moissons, de ses richesses et de ses vertus, elles se sentiront une pieuse reconnaissance envers ceux qui sacrifièrent tout pour restituer ces trésors à la France.

Quant aux étrangers (il ne peut s’agir ici des peuples ennemis), ils seront, eux aussi, bien accueillis à Strasbourg. Si une propagande active est menée dans le monde, si l’on fonde des cercles et des « foyers » où les jeunes gens d’une même nation pourront échapper à l’ennui et au péril de l’isolement, on aura vite détourné vers cette Université française les étudiants anglais, américains, grecs, balkaniques que naguère la superstition de la culture germanique conduisait en Allemagne. L’écueil serait qu’ils y vinssent en trop grand nombre, cédant à un autre attrait que celui de s’instruire.

Avant la guerre, une de nos Universités voulut, coûte que coûte, augmenter sa clientèle étrangère ; on vit alors affluer une foule de jeunes gens, — la plupart arrivaient d’Allemagne, — uniquement préoccupés d’apprendre le français, d’explorer une