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n’était admis. Dans chaque salle de cours, ils se groupaient et ne laissaient pas les immigrés prendre place parmi eux. Quand le professeur Schultz-Gora se permettait de bafouer devant eux la littérature, l’art, le génie de la France, ils sifflaient Schultz-Gora. Ils en venaient souvent aux mains avec leurs « camarades » allemands. Ils affichaient si ouvertement leur mépris de l’Allemagne que le Sénat prononçait la dissolution de leur cercle. En 1912, ils méritaient cette semonce du prorecteur Rahm : « Camarades, laissez-moi vous parler à cœur ouvert. Depuis quelque temps nous remarquons que vous ne venez pas à nous avec un esprit exempt d’arrière-pensées. Il est de notre devoir de vous mettre en garde contre les dangers auxquels vous vous exposeriez en regardant du côté des Vosges et en vous laissant aller à des illusions, qui ne seront jamais réalisées. » Si, aujourd’hui que ces illusions se sont réalisées, nous voulons témoigner à ces étudiants la reconnaissance qu’inspire leur opiniâtre dévouement à la cause française, travaillons de notre mieux à la grandeur de leur Université.

Tenus d’honneur à l’égard de l’Alsace, nous avons aussi des obligations particulières envers la ville de Strasbourg, Par le fait du retour de l’Alsace-Lorraine à la France, Strasbourg subit une cruelle diminution ; une partie des Allemands qui l’habitaient, ont déjà passé le Rhin ; les autres les suivront bientôt. Strasbourg était le siège de toutes les administrations du Reichsland et retirait de grands profits de la présence d’innombrables fonctionnaires. Il avait le mouvement, la vie, la richesse d’une capitale, et ce fut la cause de son grand essor... Aujourd’hui, ce n’est plus qu’une des grandes cités de France, comme Rouen, comme Bordeaux.

A mesure que la réunion de l’Alsace à la France se fera plus étroite et que disparaîtront les survivances du régime allemand, Strasbourg perdra presque tous les bénéfices que lui valait naguère sa situation de capitale. Pour conjurer les effets de cette déchéance, on peut compter sur le sens pratique des Strasbourgeois ; mais la France doit venir à leur secours. Déjà, par les stipulations du traité de Versailles relatives à la navigation du Rhin et au port de Kehl, elle a mis Strasbourg en état de devenir une des grandes places commerciales de l’Europe ; elle fera sans doute en sorte que les travaux du port