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sa progression initiale ; ainsi on sera en mesure de limiter en même temps la profondeur de l’attaque, puisqu’une progression ne saurait être profonde, si elle est maintenue étroite. » Alors seulement, pourra-t-on procéder aux contre-attaques de flanc, notamment « en faisant bloc de toutes les troupes restées disponibles de part et d’autre de la brèche. »

Ainsi l’ancien commandant de l’École de guerre indiquait-il à ses lieutenants, en vue de la future offensive allemande, tout à la fois ce qui inspirait sa stratégie et ce qui devait fortifier leur tactique. Mais à côté du professeur, il y a chez cet homme un chef énergique jusqu’à la rudesse. Que vaudront les opérations, que vaudront les méthodes, si la défaillance des hommes trahit les desseins les mieux arrêtés ? Des défaillances lui ont été signalées qui, au cours de l’affaire du 27 mai, ont contribué à laisser libre cours au torrent allemand ; il ne peut en ces matières jamais fermer les yeux, car le moral de la troupe reste le facteur principal de la résistance.

Quant au Haut Commandement, il vient d’être en partie renouvelé, — et c’est une sécurité de plus. L’appel d’un Maistre, chef éprouvé, averti, nourri de science militaire, populaire parmi ses subordonnés, précieux lieutenant pour un général en chef, à la tête du groupe d’armées qui précisément va être attaqué, n’est point événement indifférent, et pas plus la nomination d’un Mangin à la tête de la 10e armée, d’un Degoutte à la tête de la 6e, d’un Berthelot à la tête de la 5e, d’un Guillaumat au gouvernement militaire de Paris qui peut être appelé à jouer un rôle si considérable, d’un Buat, plein d’initiative et d’allant, au poste éminent de major général de l’armée française. On peut dire que, du fait de ces nominations, — et l’événement n’est certes point négligeable pour qui va étudier la bataille d’été de 1918, — jamais nos armées n’ont été commandées de si admirable façon ; la guerre, par tant d’expériences multiples, diverses, répétées, n’a pas fatigué, mais, tout au contraire, a surexcité chez ces chefs, presque tous jeunes (un Degoutte n’a pas atteint la cinquantaine, un Buat l’atteint à peine), un tempérament naturellement vigoureux, actif, entreprenant : elle a plié ces esprits, nourris avant 1914 de la science de l’École, aux nécessités de la bataille moderne, sans les fermer aux conceptions hardies. Entre un Fayolle et un Castelnau, maintenus à la tête des autres groupes d’armées, un Maistre