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si au fait de leur mission, que les bataillons d’assaut ennemis, ébranlés par leur violent effort contre la première position, décimés par les feux d’artillerie, privés des chars qui les devaient appuyer, viendraient se briser contre des troupes fraîches et résolues. Un tel système demandait, — et Foch y insistait près de Pétain, — chez chacun des exécutants, une exceptionnelle fermeté d’âme et d’esprit et, dans l’application, une coordination singulière : chacun avait donc été soigneusement instruit de son rôle. Je me rappelle encore l’impression profonde que me causait, quelques jours après, le récit très simple d’un officier chargé d’une des parties les plus délicates de ce formidable programme de réception.

Restait à savoir exactement le jour et l’heure de l’attaque, car l’abandon de la première position, le déclenchement de la contre-préparation, l’ypéritage des abris, les derniers préparatifs pour la pose des explosifs contre les tanks exigeaient qu’on fût très précisément prévenu, quelques heures avant, de la minute où se déchaînerait l’assaut. Le 14 juillet, à vingt heures, un coup de main du 4e corps ramenait vingt-sept prisonniers qui nous donnaient ces précisions : l’attaque aurait lieu le 15, entre trois et cinq heures ; la préparation commencerait à minuit. Deux heures après, le chef du 2e bureau de l’armée pénétrait dans le cabinet du général Gouraud avec le chef d’Etat-major et lui communiquait le renseignement. Le général prenait aussitôt sa plume, et, après avoir signé les ordres d’opérations, donnait le signal de la contre-préparation. Une demi-heure après, chacun étant depuis deux jours virtuellement alerté, nos batteries, muettes jusqu’alors, se révélaient, prévenant d’une demi-heure le tir de l’ennemi et, d’ores et déjà, jetaient le trouble dans les batteries allemandes sur le point de vomir.

L’infanterie allemande, cependant, persuadée qu’elle allait surprendre un ennemi endormi, s’était déjà massée, prête à l’assaut, sous la protection d’une artillerie nombreuse et brutale qui maintenant inondait de ses obus à l’ypérite la première position et les arrières. A quatre heures, elle sortirait de ses tranchées, sûre de la victoire, pour le Friedensturm, — l’assaut pour la Paix, qui allait être l’assaut vers la mort. Car, le piège étant préparé de main de maître, la Bête allait s’y jeter d’un seul bond.