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résistance qui, le 20, ayant à la hâte organisé une ligne de défense provisoire, ne pouvaient plus être facilement bousculés. Ces détachements se cramponnèrent en effet avec un beau courage au terrain, tandis que, dans la nuit du 19 au 20, les corps qu’ils couvraient, repassaient en hâte la rivière. Lorsqu’écrasant les arrière-gardes, l’armée Mitry atteignit enfin la Marne, elle avait raflé, à travers un champ de bataille semé de cadavres ennemis, une assez grande quantité de matériel et quelques centaines de prisonniers, mais déjà les gros de l’ennemi étaient sur la rive droite, où, le 20, nos premiers éléments ne reprenaient que difficilement pied. L’ennemi avait détruit les passages : il fallut encore deux jours pour que la 9e armée, sous le tir des mitrailleuses et des batteries laissées sur les hauteurs de la rive droite, pût, sans trop de dommages, faire à son tour franchir à ses gros la rivière.

Sur le flanc gauche de l’ennemi, la 5e armée (Berthelot) avait, à son tour, repris l’offensive. Le 18, elle avait encore subi de rudes attaques presque toutes repoussées et déjà, sur certains points, ressaisi l’initiative des opérations. Le 19, elle avait repris pied dans le bois de Courton et progressé devant Marfaux. Le 20, elle attaquait sur la ligne Louvrigny-Montvoisin plus au Sud et enlevait, avec des chars d’assaut, la falaise dominant la Marne ; au Nord du fleuve, les 62e et 51e divisions britanniques, confiées à Berthelot, se jetaient dans la vallée de l’Ardre, mais étaient arrêtées devant Marfaux, Expilly et Cintron ; plus au Nord, les Italiens, appuyés par nos troupes coloniales, rentraient à Sainte-Euphraise.

L’ennemi, en cette journée du 20, se défendait sur tout l’énorme cercle que formait, du Mont de Bligny aux rives de la Marne et du fleuve aux abords de Soissons, le front de bataille. Sa résistance se faisait particulièrement âpre sur les deux côtés de la poche, sur les collines au Nord de l’Ardre, à l’Est, comme dans la vallée de la Grise, à l’Ouest. A cette résistance désespérée, on pouvait deviner qu’il méditait un repli sur la Vesle. Toute sa manœuvre de retraite s’appuyant sur ces deux pivots, il les fallait maintenir à tout prix ; les divisions de renfort étaient dirigées sur ces deux régions et au Sud de Soissons. Il s’agissait pour l’Allemand de sauver, avec les corps engagés dans la poche, l’énorme matériel qui les y avait suivis. Mais déjà l’ennemi ne se battait plus que pour sauver une