Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/333

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

semble sortir de cette grande crise à tel point faible et discrédité, que son triomphe inattendu dans les empires du centre et dans l’empire russe n’a excité aucun espoir et aucun enthousiasme dans le reste de l’Europe. Au contraire, il a augmenté les angoisses du moment actuel, parce qu’il a formidablement compliqué pour les vainqueurs et les vaincus les difficultés créées dans les pays vaincus par la guerre.

L’Europe va-t-elle se trouver, comme l’Empire romain au IIIe siècle, sans un principe clair et précis, auquel reconnaître qui a le droit de commander et dans quelles limites ; et qui, et dans quelles limites, a le devoir d’obéir ? Allons-nous voir naître de cette incertitude, comme il y a dix-sept siècles, une crise de révolutions et de guerres, qui pourrait disperser une partie des trésors accumulés par le travail de tant de générations ?

Telles sont les questions qui semblent se poser devant ceux qui envisagent les formidables événements de ces années avec l’expérience du passé. Et c’est aussi la raison pour laquelle il faut suivre avec la plus vive attention la grande crise politique qui, commencée avec la révolution russe, est en train de se répandre dans les empires germaniques. Cette crise pourrait bien être un des effets le plus considérables de la guerre mondiale, et exercer sur tout le développement de la civilisation occidentale une influence qui pourrait être décisive pour plusieurs générations.


GUGLIELMO FERRERO.