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Lameth : «  Je viens, écrit-il le 24 décembre, de passer trois ou quatre jours à Osny, chez Mme de Lameth. C’est, à huit lieues de Paris, une habitation superbe où j’ai été reçu comme étant de la maison. J’y aurais encore passé quelques jours avec M. de Lameth l’aîné, qui m’avait conduit et qui m’aurait ramené, si je n’avais reçu une lettre de Théodore et une de Victor de Broglie qui désire beaucoup m’avoir pour aide de camp. Je dois causer ce soir avec Théodore pour cette affaire, qui me plairait beaucoup, mais il ne sait comment quitter le prince de Hesse dont je n’ai pas à me plaindre personnellement et qui parait fort attaché à moi. Cela sera décidé demain et je t’en rendrai compte au plus juste... Charles (Lameth) est toujours très patriote et ne négligerait pas encore l’occasion de faire une révolution. Il est sur le point d’être maréchal de camp et il veut m’avoir aussi pour son aide de camp ; et c’est ce qui me plairait le plus. »

Entre ces trois généraux qui se le disputent, Malet, écartant le prince, s’attache à Victor de Broglie dont il espère tirer son grade, vu l’intimité où il est avec Narbonne. Cela est fait assurément fort vite ; car si, le 24, il ne sait comment il quittera Charles Hesse, le 26, il part de Paris avec Victor de Broglie, il arrive à Metz, le 28, en repart le samedi 31 et est à Strasbourg le dimanche matin. « Nous avons, écrit-il, passé trois jours à Metz, dont deux avec le ministre de la Guerre. Il y a reçu MM. Luckner et Rochambeau maréchaux de France à la tête de la garnison.  » Mais l’essentiel est un Conseil de guerre, dont il conte à sa femme toutes les décisions. Il est plein d’enthousiasme. « Je ne puis te cacher, écrit-il, que je désire beaucoup qu’on nous force à cette démarche (l’entrée dans le Palatinat). C’est le seul et le plus court moyen d’affermir notre constitution et de rétablir notre crédit, parce que le premier coup de canon sera le signal de la révolution de l’Europe et l’époque de notre tranquillité. Tout va parfaitement bien dans cette garnison. M. de Broglie est commandant et inspecteur des troupes à pied de la garnison et de son arrondissement. Si l’armée entre en campagne avec M. Luckner, le Roi l’a nommé commandant de la place pour lui éviter de se trouver peut-être en présence et contre son père. Il lui a recommandé en même temps de ne jamais rendre la place quoi qu’il arrive et c’est un ordre que nous sommes bien disposés à exécuter. »