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Qu’on ne doute pas au moins que le nous qu’emploie Malet à chaque ligne ne signifie : moi. Il écrit le 17 février : « On a béni, dimanche dernier, les drapeaux et étendards constitutionnels de toute la garnison. On a cherché à mettre tout l’appareil nécessaire dans une pareille circonstance et la cérémonie militaire s’est fort bien faite. On ne voulait pas tirer le canon, crainte d’alarme, mais j’ai engagé M. de Broglie à insister sur ce point qui était nécessaire dans une fête militaire, et cela a été fait en faisant prévenir le pays du motif. M. de Broglie a donné le soir un petit bal et un souper aux femmes de la société seulement, pour que cela n’ait pas l’air trop fête. »

Malet est fort mondain et l’on peut être assuré qu’il fut l’organisateur du petit bal. De même qu’à Paris, il se vantait de Mme de Lameth et de Mme d’Aiguillon, le voici à Strasbourg au mieux chez Mme de Dietrich. Mais Mme de Dietrich « « n’aime pas la société des femmes, il n’y en a presque jamais chez elle. » Il s’y assemble douze ou quinze hommes ; ce qui fait le fond de la société. « Nous sommes du nombre, écrit Malet, et depuis que Mme de Valence est ici, nous partageons nos soirées entre ces deux dames qui se réunissent assez souvent tantôt chez l’une, tantôt chez l’autre. La société de Mme de Valence me convient infiniment mieux, elle est plus dans mon genre. Elle ne court pas après l’esprit et je crois que c’est parce qu’elle en a infiniment. Elle est remplie de talents et d’instruction et elle donne tout au sentiment. Deux petites dont l’une est à Paris et l’autre avec elle, font tous ses délices. Elle a avec elle une jeune fille de quatorze ou treize ans qu’elle a élevée, qui est fort jolie, et qui, quoique jeune, contribue beaucoup à l’amusement de la petite société. Je me contente d’avoir du thé versé de sa main, voilà tout ce que je veux d’elle. Nous avons de jeunes aides de camp qui me paraissent désirer davantage et qui pourraient bien n’en pas avoir plus. »

A la veille de la guerre, et quelle guerre ! à la veille des événements les plus tragiques que la société française eût encore traversés, un groupe s’est formé, aimable et clair, de ces représentants du monde qui va finir, les Dietrich, Mme de Valence, Victor de Broglie et Paméla à l’éclatante beauté et à la destinée de mystère ; on fait des vers, on prend du thé et Rouget de Liste, le cousin de Malet, va entonner le Chant de guerre de l’Armée du Rhin — la Marseillaise. « Mme Dietrich me disait