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hier, écrit Malet à sa femme le 1er mars, que je devrais bien te faire venir à Strasbourg. Je la trouvais bien aimable de penser à toi. Je lui ai dit les raisons qui s’y opposaient, mais, si elles venaient à cesser, j’imagine que tu aurais autant de plaisir à venir ici que j’en aurais à te voir. Tu y trouverais de bons maîtres de forte piano, des amateurs, une petite société de femmes aimables, bien patriotes, qui seraient sûrement bien aises de te voir et que tu aimerais. »


LA GUERRE

Et voici que la guerre est proclamée, avec tout l’appareil militaire, les tambours et la musique de tous les corps de la garnison. « On n’a pas cessé de boire à la santé de la Nation et de jouer l’air Ça ira. La plus grande joie, écrit Malet, règne parmi les troupes. On ne peut attendre que des succès avec de pareilles dispositions. Tous les citoyens patriotes partagent la joie des troupes. On croit partir pour une guerre d’un genre tout nouveau et dont les résultats ne le seront pas moins : » C’est la guerre d’opinion ; car « on fait imprimer à force des écrits en allemand et en français pour les pays étrangers. » Grâce à Victor de Broglie, Malet, consolidé dans son grade par sa nomination de capitaine au 50e de ligne, a été tout aussitôt détaché comme adjoint aux adjudants généraux ; il reste avec son général qui fait fonctions de chef de l’État-Major de Luckner, mais il quitte l’habit bleu d’aide de camp pour l’uniforme du 50e Il regrette le bleu, car le blanc est bien salissant ; mais quelque habit qu’il porte, il est parfaitement content de lui-même.

Devra-t-il accompagner M. de Broglie en Flandre, à la suite de Luckner ? Mais alors que deviendra l’Armée du Rhin ? « Je ne vois personne pour le remplacer et aucun officier général en état de commander et avec d’autant plus de raison que les Alsaciens sont pervertis par leurs prêtres et ne montrent dans ce moment aucune énergie. Si les Francs-Comtois ne viennent pas à notre secours dans le besoin, ce ne sont pas les Alsaciens qui y viendront. » Et il développe à sa femme tout un projet de levée en masse de volontaires où il trouverait une place au moins de chef de légion. Il fait, en attendant, son apprentissage à Neukirch, dans un camp qui sera porté de douze à quinze mille hommes. « J’y passe toute la matinée, dit-il.