fournis par Malet. Il a fallu acheter une imprimerie, à tout le moins des caractères, trouver un local et perfectionner un apprentissage fort imparfait. En huit jours, « toutes les pièces ont été imprimées pour être répandues à profusion. »
Restent les armes : certains des conjurés en possèdent : pistolets, espingoles et fusils, mais il en faut avec lesquelles on débute par des coups moins bruyants. « Le poignard, dit Lemare, est l’arme propre du conspirateur, arme équivoque, à deux fins, et qui au besoin nous servirait contre nous-mêmes et nous empêcherait de tomber vivants entre les mains du tyran et de ses satellites. » Lemare s’est donc chargé de procurer douze cents poignards : il a fait tourner les manches par un ouvrier de la rue Jean Pain-Mollet, nommé Monneret, qui lui a été indiqué par un prêtre digne de toute confiance, l’abbé Colomb. Pour les lames, on s’est contenté de trois quarts, achetés par grosses chez un marchand du quai de la Mégisserie auquel on a fait croire qu’il s’agissait d’une commande pour l’exportation en Amérique. Bazin et Lemare se sont chargés d’ajuster les poinçons aux manches et ils y ont réussi. Cela fait, on « a caché ces poignards rudimentaires sous les bancs fermés par des planches de l’Athénée de la Jeunesse. On y a placé de même les douze mille exemplaires des Actes de la Dictature. »
Il a fallu encore, pour que la conspiration réunit, au gré de ses auteurs, toutes les chances de succès, un sceau à encre grasse qui authentiquât les proclamations, les actes du Sénat et les décrets de la Dictature ? On a imaginé de faire graver sur ce sceau un soleil levant, emblème qui servait fréquemment aux Loges, et qui symbolisait ici l’aurore de la liberté : mais on a voulu en exergue le mot : Dictature, ce qui pouvait devenir dangereux. Lemare, homme subtil, a imaginé alors de faire graver DIOTATURE, assurant que, en limant la moitié de l’O, on aurait un C fort convenable : ce grammairien était plein d’astuce.
Les préparatifs étaient donc achevés. Seulement, comment passerait-on à l’exécution et comment celle-ci se déroulerait-elle ? Ici, les conspirateurs n’ont pas entièrement dévoilé leurs projets qui, peut-être, étaient restés nuageux. Malet devait se porter au Carrousel, se rendre maître de l’hôtel du prince archi-chancelier, mettre Cambacérès aux arrêts et établir là son quartier général. Il ne trouverait, disait-il, aucune difficulté à