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mesures qui s’y trouvent ordonnées et qui paraissaient devoir combler tous les vœux du peuple, elles auraient pour effet certain de désorganiser tout gouvernement, mais n’est-ce pas pourquoi l’on fait les révolutions ?

Il y a encore de la littérature : des proclamations, l’une au peuple, l’autre aux armées, rédigées par Lemare ; elles ne modifient en rien la structure du complot qui repose tout entier sur la créance accordée à ce Sénatus-Consulte. Or, il faudrait une crédulité à toute épreuve pour admettre une réunion secrète du Sénat, un Sénatus-Consulte dont les termes sortent à ce point des formes légales et que ne légitime aucune signature, la nomination de cette dictature où des généraux ignorés de tous font cortège à un général que tout le monde sait exilé, et où des personnages inconnus escortent trois sénateurs dont le nom n’est rien moins que populaire.

On a affirmé que cette conspiration était toute républicaine. Il se peut : mais le mot de République n’est prononcé nulle part : il n’est fait aucune allusion à cette forme de gouvernement et les confidences de Malet au général Guillet l’excluent complètement : il lui dit « que toutes les proclamations étaient faites pour faire un appel au peuple, abolir les droits réunis et la conscription, et proclamer que toutes les constitutions faites depuis la Révolution étaient nulles, à l’exception de celle de 1791, qui était le fruit du vœu libre des Français. » Et comme Guillet lui disait : « Mais diable ! vous voulez faire là une jolie besogne, il vous faudra rétablir un Bourbon qui nous chassera nous autres ensuite. — Oh ! non, dit-il, on promet cela aux royalistes pour les faire agir, mais ensuite nous aurons une dictature. »

Or, cette dictature, on voit fort bien Malet l’exerçant à lui seul, même sans Rigomer Bazin, Corneille ainé, et Lemare, seuls personnages qui, à défaut d’une valeur intellectuelle, eussent une existence matérielle. Pour commencer, Malet s’était promu général de division, ce qui était déjà une satisfaction qu’il se donnait. Il avait employé dans son ordre du jour les noms de certains généraux dont il avait ouï parler, mais dont il ne connaissait aucun. Il n’avait à lui que Guillaume et Guillet : c’était peu.

Pour l’instant, les préparatifs de la conspiration se sont bornés à l’impression par Bazin et Corneille des documents