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toute juridiction régulière, militaire ou civile, il en suspend les séances. Pour triompher de Dubois, il n’hésite pas à lui prêter des propos contre le Sénat, à supposer à l’Empereur le projet de le décimer. Napoléon ne voit pas clair dans ce jeu extraordinairement compliqué. « Pourquoi, écrit-il à Cambacérès, le ministre a-t-il ôté au Conseil de Police la connaissance de cette affaire ? Envoyez-moi le rapport et le travail que le conseil a fait. J’ai blâmé qu’on ait ôté la plume au secrétaire légal du conseil [1], mais je n’ai pas ordonné qu’on revint sur cette mesure et vous ne lui avez pas dit cela. Enfin expliquez- moi ce qu’a Fouché dans tout cela. Est-il fou ? A qui en veut-il ? Personne ne l’attaque, personne n’attaque le Sénat. Qu’est-ce que cela veut dire ? Je commence à ne plus rien comprendre à la conduite de ce ministre. Que disent Real et Pelet de la Lozère ? Que pensez-vous de tout cela ? Sa jalousie contre le préfet de Police peut-elle le porter à de pareils excès ? »

Si Fouché a suspendu les séances du Conseil de Police, c’est qu’il ne veut pas que ce Conseil rédige le rapport que l’Empereur réclame, qu’il se réserve de faire lui-même, et par lequel il se propose d’innocenter ceux auxquels il tient. « Tous ceux qu’on accuse de conspiration, écrit-il, se sont trop ouvertement abandonnés à la crainte d’événements sinistres sur la surface de l’Europe et subversifs de l’état actuel des choses en France. Ils ont manifesté avec trop d’indiscrétion et de précipitation leurs opinions et leurs vœux personnels dans la supposition extravagante du renversement du trône et dans l’idée craintive du rétablissement de l’ancienne dynastie... Doit-on conclure de tout cela qu’il ait existé un projet ayant pour but de rétablir la Constitution de l’an VIII avec des Consuls, et la suppression de la conscription et des droits réunis ? Est-il également constant d’après les pièces d’instruction que la conspiration dénoncée a existé ? Non, je le répète, il n’y a pas là de conspiration. Où sont en effet les chefs de parti ? Où sont les réunions ? Quels en sont les membres ? Où sont les pièces de conviction ? Où sont les moyens d’exécution ? Existe-t-il une correspondance ? Où sont les armes ? Où sont même les traces d’une conspiration ? »

Tels sont les arguments de Fouché auxquels on doit réponse.

  1. Le secrétaire général du ministère, Saulnier, que Fouché avait remplacé par Desmarets.