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LA JOIE DE SIENNE

J’ai connu Sienne dans des circonstances très romanesques. J’y étais arrivé un soir d’août, et je m’étais rendu directement en voiture de la gare à la pension où je devais descendre. Je n’avais vu qu’une route montante et une longue rue étroite, bordée de hautes demeures. Ma pension occupait le second étage d’un vieux palais, et mes fenêtres donnaient sur la campagne. La nuit était belle. Le ciel constellé avait la même couleur bleue que la robe de la Madone.

Vers une heure du matin, je fus tiré de mon demi-sommeil par un roulement de tonnerre, mais un roulement qui, au lieu de gronder d’en haut, se propageait à la surface du sol. A peine l’eus-je entendu qu’une violente secousse fit craquer les murs et osciller les meubles. C’était un tremblement de terre. J’allai à ma fenêtre. Magnifiquement indifférentes, les étoiles brillaient dans le bleu profond du ciel. Mais du centre de la ville montait une rumeur d’épouvante. Ainsi jadis la cité, qu’un coup de traîtrise avait livrée à l’ennemi, se réveillait en sursaut au fracas des reitres. Les hôtes de la maison s’étaient précipités dans les corridors. Un jeune homme en chemise criait à tue-tête : « N’ayez pas peur ! » sans doute pour se donner du courage. Une petite bonne, écroulée à genoux, répétait au milieu de ses larmes : « Mon Dieu ! mon Dieu ! je n’ai pourtant pas commis de si. grands péchés ! » Une seconde secousse se produisit, moins forte, mais qui acheva l’affolement. C’était l’année du désastre de Messine.

Je sortis. Les rues étaient pleines de gens habillés à la hâte. Les magasins s’ouvraient ; d’abord les pharmacies, puis