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J’y suis revenu ; j’y ai séjourné assez pour y prendre des habitudes. Sienne est une adorable résidence, surtout en été, non point à cause de sa campagne dont les petites routes encaissées sont brûlantes ; mais vous êtes toujours sûrs de trouver la fraîcheur sous ses voûtes et dans ses ruelles, qui se transmettent indéfiniment le moindre souffle de brise. Vous habitez un grand palais dont le rez-de-chaussée et le premier étage sont occupés par les héritiers d’une très ancienne race, le second et le troisième par des pensions de famille. Et quand vous avez descendu vos beaux escaliers de pierre, le monde moderne se referme derrière vous.

Ne vous mettez point en peine d’une voiture ni du petit omnibus qui roule de temps en temps dans la via Cavour, aussi pavoisé de flammes qu’un bateau de plaisance le jour des régates. Les promenades se font à pied et ne sont jamais très longues. Vous irez à une des portes de la ville et peut-être d’une porte à l’autre en longeant les mamelons que suit le vieux rempart de briques. Toutes ces portes sont fameuses. La Porte Pispini, couronnée de créneaux, vit jadis le défilé des vaincus florentins et leur étendard traîné dans la poussière. On l’appelait alors San Viene, parce que le peuple, rassemblé pour y recevoir les reliques de San Anzano, le premier évangélisateur du pays, s’était écrié en apercevant la procession : Il Santo viene ! C’est par la vaste porte romaine que sortirent les Français de Montluc avec les honneurs de la guerre, accompagnés des citoyens qui préféraient l’exil à la servitude. C’est par la porte Camollia, la plus majestueuse, qu’entraient les riches convois des marchands et les cortèges impériaux. Autrefois, une Vierge y était peinte, que saint Bernardin, à l’âge où s’éveille le cœur, venait chaque jour saluer et adorer. L’image divine a disparu. Nos regards la cherchent encore.

Près des portes, des fontaines aussi fameuses accueillent le voyageur altéré, lorsqu’il ne s’est pas arrêté à l’osteria de la