Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/434

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

immense révolution économique. Désormais, toutes les Sociétés constituées hors du vieux continent n’auront plus ce caractère d’exotisme qui les distinguait jusqu’alors. L’Europe apprend peu à peu qu’elle pourra recevoir d’au delà des Océans ce qu’elle avait supposé produire longtemps chez elle en monopole. En même temps qu’elle se voit ainsi quelque peu diminuée de sa primauté historique, le progrès des sciences transforme les conditions de la circulation, les terrae incognitae disparaissent des cartes ; en peu d’années, un inventaire devient possible de toutes les ressources visibles de l’humanité, si bien qu’un conflit formidable éclate pour prévenir l’accaparement par ceux qui prétendaient s’en adjuger la distribution souveraine. Il n’est sans doute point paradoxal de soutenir que les ambitions et la condamnation de l’Allemagne procèdent de ce que, au XIXe siècle, les limites de la concurrence économique en sont venues à coïncider avec celles mêmes du globe. Mais force est bien de considérer que, si la guerre a ouvert des horizons aux plus consolantes espérances, elle a beaucoup détruit et, pour une période provisoire qui sera peut-être longue, cruellement compliqué pour tous les peuples les difficultés quotidiennes de l’existence. Nos colonies peuvent et doivent, sans aucun délai, nous aider à nous reconstituer, mais d’après des plans rajeunis, telles ces usines ruinées par nos ennemis, que la vaillance de nos concitoyens entend relever plus modernes qu’ils ne les ont perdues. Un coup d’œil sur un planisphère, indiquant les colonies françaises, nous montre que ce domaine est réparti sous tous les climats du globe, en des zones tempérées aussi bien que tropicales ; il compte, en chiffres ronds, cinquante à soixante millions d’habitants ; c’est beaucoup moins, assurément, que l’Empire britannique, beaucoup moins que le domaine compact des États-Unis ; mais c’est un magnifique patrimoine encore, et dont la gratitude de nos descendants remerciera les fondateurs.

Or, les conditions prochaines seront toutes différentes, pour les États-Unis et l’Empire britannique d’une part (nous pourrions ajouter le Japon), pour la France de l’autre. Il existe en effet des Sociétés anglo-saxonnes (et nipponnes) constituées à portée immédiate des carrières neuves. La grande Union américaine est conduite à envisager sous un aspect jusqu’ici peu familier les questions de « couleur, » parce qu’elle ne peut pas