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avisée plus tôt de constituer une marine marchande en correspondance avec sa situation dans le monde et les ressources pleines de promesses de ses domaines d’outre-mer. Mais nous en étions encore à faire venir de Hambourg les tabacs brésiliens nécessaires à notre régie ; nous attendions des navires allemands, japonais, scandinaves pour exporter nos riz d’Indo-Chine ; nous laissions une Compagnie allemande drainer, au profit de commissionnaires et industriels germaniques, le caoutchouc et d’autres produits indigènes de Madagascar. Par la brusque explosion des hostilités, nos colonies se sont vues privées soudain de toutes les commodités que leur assuraient les Allemands. Coûteuse leçon dont nous espérons du moins que le profit, au lendemain de la paix, ne sera pas perdu.


CONDITIONS GÉNÉRALES DU PROBLÈME COLONIAL

Que peuvent être demain nos colonies dans l’ensemble de notre organisme national. Que doivent-elles être ? Il court encore, parmi nous, bien des légendes sur les pays d’outre-mer. L’idée qu’un honnête homme peut gagner une situation aux colonies, par beaucoup de persévérance et d’ordre, — mais non point sans cela, — surprendra un certain nombre de nos concitoyens. Ne nous lassons pas de répéter que les colonies sont, aussi peu que les métropoles, des paradis terrestres, mais qu’elles recèlent, comme le champ du fabuliste, les trésors que le travail de l’homme en saura dégager. Alors que le monde civilisé n’était qu’un coin de notre planète, le mouvement des découvertes nous a révélé des pays au premier aspect profondément différents des nôtres ; il demeure, dans nos conceptions coloniales, quelque chose de la stupeur des compagnons de Colomb ou de Vasco de Gama. Les Espagnols et les Portugais, les Hollandais ensuite n’ont recherché d’abord que les produits rares, métaux précieux et épices ; pendant trois siècles, les colonies n’envoyèrent à l’Europe que de l’or, de l’argent, quelques aliments de luxe ou d’appoint, fret d’un commerce restreint, assuré par quelques centaines de tonnes de navires et dont on apprécierait mal l’importance générale d’après les quelques grandes fortunes qui en étaient sorties.

Nouveauté politique considérable, l’émancipation des États-Unis, à la fin du XVIIIe siècle, marque le point de départ d’une