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effet, de toutes les ressources coloniales. Le thé de l’Indo-Chine n’est pas inférieur à celui de Ceylan, propagé chez nous par une réclame assidue, ni même à celui de Chine singulièrement plus apprécié des connaisseurs ; mais les plantations en sont encore peu importantes. Le Tonkin et les provinces limitrophes de la Chine possèdent des gisements d’étain très intéressants pour notre métallurgie d’après-guerre, qui voudra sans doute intervenir dans l’exploitation et dans le transport des minerais dégrossis sur place ; la houille de la baie d’Along est, en effet voisine des ports où descendent, par le chemin de fer du Yunnan, les minerais bruts. Cette observation nous conduit à préciser le rôle possible d’une industrie Franco-annamite pour la fourniture des marchés de la Chine et du Japon. Le Cambodge produit d’excellent coton ; notre main-d’œuvre indigène est abondante et adroite, nos filatures tonkinoises ont déjà connu de beaux succès.

La valeur principale de l’Indo-Chine pour la France est sa situation aux portes des contrées d’Extrême-Orient, où vit presque un quart du genre humain ; nous commettrions une faute lourde en nous effaçant là-bas, et, suivant un mot qui fait fortune, « lâchant l’Asie pour prendre l’Afrique. » Nos sujets indo-chinois ont été touchés par la civilisation millénaire et raffinée de la Chine ; très attachés à des coutumes ancestrales ils ont cependant le goût du profit et le sens du progrès.

Il semble bien que c’est par leur coopération, sagement ménagée, que la France devra désormais marquer sa place, non seulement à l’Est de l’Asie, mais dans tout le Pacifique ; l’Indo-Chine est donc pour elle un foyer d’énergie à rayon beaucoup plus étendu que Madagascar. D’où la nécessité d’un outillage spécial à l’Indo-Chine ; l’éducation des indigènes en est un chapitre ; il y faut aussi des laboratoires pour recherches particulières, une marine marchande dotée d’un statut propre, voire d’un pavillon. Nous avons vu très volontiers la création récente à Saigon (décembre 1918) d’un « Institut scientifique de l’Indo-Chine pour l’étude, le développement et l’utilisation des productions du sol et des eaux. » M. le gouverneur général Sarraut en a confié la direction à un savant qui est aussi un praticien, M. Auguste Chevalier. Souhaitons que l’esprit de cette institution anime désormais toute notre administration indo-chinoise.