Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/474

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

choses, et les bonnes y sont en nombre incomparablement plus grand, non pas même que les mauvaises, mais que celles qui laissent par trop à désirer. Tout ce que l’on peut en dire, si l’on est résolu à se montrer très sévère, c’est que le travail est médiocre et qu’une belle matière a été, par ci par là, un peu gâchée. Mais voilà tout ; et, placé dans l’alternative ou de tout prendre ou de tout perdre, il serait insensé de préférer rien, et de recommencer dans le vide et dans le noir une œuvre dont on n’est plus le maître.

Cette situation embarrassante et fausse, où se trouvent ceux auxquels on demande de souscrire au Traité ainsi qu’on demandait jadis de souscrire à une Bulle, ne pouvait manquer de donner le ton au débat. « Nous avons assisté, a dit l’un des orateurs, à une longue succession d’explications de vote, et ces explications de vote avaient le caractère de toutes les explications de vote, c’est-à-dire que les votes annoncés étaient le plus souvent en contradiction avec les raisons invoquées. » Mais justement le débat ne pouvait dépouiller ce caractère académique que pour en revêtir un autre, le plus fâcheusement parlementaire, celui d’une bataille ou, pour ne pas exagérer, d’un assaut contre le cabinet. On ne devait plus voir le Traité qu’à travers ses auteurs, et la question de la paix allait devenir ce que tout devient dans les Chambres, une question ministérielle.

Nous voudrions, de cet asile d’esprit où les passions environnantes ne nous troublent pas la vue et ne nous égarent pas la main, regarder d’un peu haut cette paix qu’on nous offre et dessiner dans ses grandes lignes l’Europe qu’elle nous fait. La discussion engagée et poursuivie à la tribune nous fournil l’occasion de résumer, en la côtoyant, ce que nous avons écrit, de quinzaine en quinzaine, depuis dix mois. Il ne nous sera pas difficile de nous mettre en état d’impartialité, et de considérer le Traité en lui-même, sans la moindre acception ni exception de personnes.. Les hommes nous sont plus que respectables : ils nous sont indifférents ; ceux-ci ou d’autres, où sont ceux qui eussent été de plain-pied à la hauteur et exactement à l’échelle des circonstances ? Nous avons donc soutenu ceux-ci, d’une sympathie qui n’a pas hésité et qui ne s’est ni réservée, ni marchandée, ni reprise, d’abord parce qu’ils étaient là, ensuite parce qu’ils ont bravement entrepris, énergiquement conduit, heureusement achevé la première partie de la tâche, qui était aussi la première condition de la paix, et qui était de vaincre.

Comme le gouvernement qui l’a conclu, le traité de paix a ce mérite souverain qu’il existe. La jument de Roland, avec toutes ses