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Le brouillard était épais et bas comme au 21 mars : cette fois encore il favorisait l’attaque, mais c’était l’infanterie britannique, jadis si desservie par lui, qui, aujourd’hui, en profiterait. La surprise s’en augmentait et, en quelques instants, les premiers objectifs étaient atteints sur la ligne Demuin-Marcelcave-Cerisy-Sud de Morlancourt. Après un court arrêt et tandis que, nous le verrons, les Français, à la droite de Rawlinson, entraient dans le jeu, les Britanniques repartaient, très méthodiquement, de cette ligne solidement occupée, pour un nouvel assaut ; la cavalerie et les tanks légers avaient traversé la ligne conquise, et c’était vers l’Est une marche admirable de fermeté et je dirai d’harmonie. Le résultat était que, sans grandes pertes, ces superbes troupes, bousculant l’ennemi, enlevant prisonniers et canons, pénétrèrent de plus de 9 kilomètres dans les lignes allemandes ; toute la ligne de défense extérieure d’Amiens comprenant les villages de Caix, Harbonnières et Morcourt était, à la chute du jour, entre leurs mains, la cavalerie et les auto-mitrailleuses déjà poussées au delà de cette ligne, si bien que Le Quesnel, où l’ennemi résistait à la nuit, allait, avant l’aube du 9, être enlevé brillamment. « A l’Est du front atteint, écrit le maréchal Haig, l’ennemi faisait, à la nuit tombante, sauter les dépôts dans toutes les directions, tandis que convois et caissons refluaient à l’Est vers la Somme et fournissaient des objectifs excellents à nos aviateurs qui profitaient amplement de l’occasion. » Au soir du 8, l’armée Rawlinson avait fait 13 000 prisonniers et enlevé, avec une énorme quantité de munitions et d’approvisionnements, près de 400 canons. Cette première journée était tout à l’honneur d’une préparation minutieuse qui avait permis dans l’exécution a une perfection et un fini qui ne laissaient rien au hasard. » Et c’est avec raison que le Commandant en Chef des armées Britanniques en attribuait le principal mérite à l’esprit méthodique et ferme qui caractérisait sir Henry Rawlinson.

Un Debeney ne se laisse pas distancer, — même par un vaillant allié. Cet ancien professeur d’infanterie à l’Ecole de Guerre, que la guerre a porté en trois ans du commandement d’un régiment à celui d’une armée, nous l’avons vu défendre, en mars et avril, avec une âpreté couronnée de succès une ligne incertaine : aujourd’hui, il va se révéler un des premiers