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Abd El Malek, le bel adolescent qui chevauchait, l’autre jour, à ses cotes. Mousselines transparentes, poignard d’or fin ciselé, écran suspendu à la ceinture, babouches qui semblaient n’avoir jamais touché la terre, chaussettes de soie bleu ciel, cordelette brillante, boucles noires et lustrées, c’était vraiment la jeunesse et la grâce de l’Orient qui se levaient dans ces pierrailles. Plusieurs esclaves le suivaient. Il faisait quelques pas dans la poussière, pour venir s’appuyer au petit mur de pierres sèches qui formait l’enceinte du camp ; et il restait là, sans rien dire, tenant affectueusement par la main un de ses familiers. Nonchalant, l’air ennuyé, inoccupé et triste, comme dépaysé sous ce soleil au milieu de ces rochers, avec ses paupières un peu lourdes, légèrement rabattues sur ses grands yeux, il semblait vaguement endormi, mal éveillé encore aux choses de la vie. Une fois encore, à cette vue, l’imagination retournait vers ces lieux du passé que tout rappelle en ce pays. Évidemment, Motamid, dernier roi de Séville, s’appuyait aux créneaux de ses terrasses avec la même grâce dédaigneuse et ennuyée, tenant lui aussi entre ses doigts la main de cet adolescent qu’il appelait « Epée » parce que la beauté de ses yeux l’avait percé jusqu’au cœur... Des choses autrefois entendues, où l’on ne trouvait jusqu’alors que fadeur et mièvrerie, reprenaient tout à coup, au milieu de cette poussière, l’éclat d’une fleur défaillante qu’on ranime avec un peu d’eau. Il vous revenait à la mémoire des poèmes comme celui-ci, qui font toujours à Marrakech ou à Fez les délices des gens lettrés :


Ce qui nous fait mourir
Ce sont des tresses, des joues,
Des cheveux noirs tombant jusqu’au coude,
Des visages pour lesquels
Nous devons bénir le ciel
Et des yeux noirs languissants.


Ou bien encore cette strophe charmante :


J’ai passé auprès d’un brillant tombeau
Placé dans un parterre de fleurs.
— De qui est-ce la tombe ? » ai-je dit.
— D’un amant », m’a-t-on répondu
En faisant un geste de compassion...


Lorsque approchait la nuit, les gens de la harka, placés en