Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/648

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

été, pour autant presque, celle de la Mère Angélique ? Le monde ne s’y trompait point. Les docteurs de l’École théologique de Jansénius prétendaient d’être appelés « disciples de saint Augustin ; » les Molinistes les flétrissaient du nom de « Jansénistes : » pour le public, qui, sans scruter les intentions et les théories, ne voyait que l’extérieur, le foyer et l’armée, le Jansénisme, c’était Port-Royal.

De cette solidarité et des devoirs qu’elle leur impose, les Bénédictines du Saint-Sacrement se rendent bien compte. Et c’est la base, sentimentale à la fois et raisonnée, de leur résistance qu’il nous faut bien voir, pour lire, sans surprise et avec l’estime qui convient, — dans le texte définitif et soigneusement commenté de l’édition nouvelle de la correspondance de Bossuet, — cette lettre, qui n’est pas seulement un écrit accidentel, mais le manifeste documentaire d’une conception catholique permanente.

Que, comme les « Messieurs, » les Religieuses des deux couvents de Port-Royal fussent « Jansénistes » ou « Saint-Cyraniennes, » c’est incontestable. A le nier il y aurait quelque puérilité, et même il y aurait, si j’ose dire, sous prétexte d’excuse, quelque outrage. Elles sont jansénistes et saint-cyraniennes parce qu’elles sont augustiniennes ; et parce qu’elles croient que Jansénius a bien exprimé la vraie pensée de saint Augustin. Et elles sont augustiniennes, parce qu’elles ont une forme et une qualité d’âme chrétienne qui a toujours été dans l’Église et qui, peut-être bien, y sera toujours : — celle qui n’a pas peur des sacrifices les plus douloureux de la raison, qui affronte les plus hauts et durs mystères, qui accepte sans marchander, sans débattre ni rabattre, les conceptions de Dieu, du péché, de la Rédemption, telles que saint Augustin, en ses années d’ivresse métaphysique, les a souvent exposées, telles que Jansénius et Saint-Cyran les avaient reprises, telles que les docteurs leurs disciples voulaient les appliquer dans une cité catholique transformée, ~ réformée, — en conformité de ces dogmes.

A ce beau rêve chrétien il n’y avait qu’un défaut : il n’était pas légalisé par le Pape. Les décrets pontificaux des cinquante premières années du XVIIe siècle avaient montré à plus d’une reprise que le Chef suprême et responsable ne pensait pas que cette conception ou du moins l’expression publique de cette conception fussent opportunes. Alexandre VII, comme Innocent X,