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Supposons, — encore une fois je m’excuse d’être obligé de procéder par hypothèses portant sur des faits concrets ; il n’en sera ni plus ni moins... — supposons l’Allemagne décidée a recourir aux armes pour se soustraire à quelque conséquence plus ou moins lointaine, en tout cas trop gênante à son gré, du traité du 28 juin ; ou, tout simplement, supposons-la résolue à revivre son rêve de domination sur le monde, lorsque, dans quelques années, elle aura repris toutes ses forces. La nécessité, cette nécessité qui n’avait pas de loi, en 1914, pour M. de Bethmann-Hollweg et qui n’en aura peut-être pas beaucoup plus pour ses successeurs, lui imposera de s’opposer immédiatement et par tous les moyens possibles à l’afflux en Europe des troupes américaines. Se bornera-t-elle, cette fois encore, comme en 1917-1918, à faire intervenir ses sous-marins ? Si perfectionnés que soient ceux-ci, en 19...., et ils léseront, certainement, les maigres succès qu’ils ont pu obtenir dans la dernière guerre contre les convois partis du Nouveau Monde ne les recommanderont pas suffisamment aux stratèges de Berlin, successeurs des Tirpitz, des Capelle, des Hindenburg et des Ludendorff [1]. D’ailleurs, les états-majors allemands sauront fort bien, à ce moment-là, quelle part considérable les appareils aériens devront jouer dans le transport, tout au moins des premiers éléments de l’armée d’outre-Atlantique et avec quelle promptitude cette opération préalable sera effectuée. Ils sentiront par conséquent la double nécessité, d’abord d’agir avec une force aéro-navale puissamment constituée, ensuite de procurer immédiatement à cette force un point d’appui très voisin, le plus voisin qu’il se pourra, de la route suivie par les convois américains. C’est ce qui leur a manqué dans tout le cours de l’année 1918.

Je ne dis rien, en ce moment, — cela nous entraînerait trop loin, — de la force aéro-navale que pourront avoir alors nos adversaires. Que l’on soit bien assuré qu’ils auront su faire le nécessaire. Quant au point d’appui, il suffit de jeter les yeux sur une carte de l’Atlantique Nord ou sur un planisphère pour reconnaître immédiatement la haute valeur stratégique, envisagée

  1. On se rappelle qu’après l’armistice et lorsqu’un contrôle sérieux put être exercé sur les chantiers navals allemands, on s’aperçut que le nombre des sous-marins de moyenne et forte taille en construction ou en achèvement à flot dépassait de beaucoup ce que l’on avait cru dans les deux dernières années de la guerre. L’Etat-Major naval allemand comptait donner en 1919 un effort considérable