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résistance au percement du tunnel, par suite, en conséquence, de la lenteur de l’afflux de ses contingents sur notre sol, l’ennemi acquérait et conservait l’avantage, qui lui a échappé dans cette guerre, de l’occupation de la côte française du Pas-de-Calais ?

Si quelqu’un pouvait douter de ce péril, ce ne serait assurément pas les Anglais qui, en 1914 et en 1918, se montrèrent si alarmés de la menace allemande contre ce littoral et qui. en 1916-1917, conservèrent si longtemps et si fâcheusement (en 1917, surtout) des forces considérables dans le Sud de la Grande-Bretagne pour se défendre contre un débarquement, d’ailleurs bien peu probable[1]

Mais, à ce sujet, il est nécessaire de répondre en quelques mots à une objection que pourraient faire les adversaires du tunnel : si l’ennemi atteignait la côte et qu’il s’emparât du débouché français du souterrain, l’invasion subite de l’Angleterre ou tout au moins, la prise de possession du débouché anglais du tunnel ne serait-elle pas à redouter ?

C’est précisément, appliquée cette fois à l’éventualité d’une invasion allemande, l’objection contre laquelle nous nous heurtions, de 1878 à 1907.

On ne peut que répéter que les précautions prévues sont tellement nombreuses et efficientes que toute crainte de succès de l’ennemi commun, dans cette entreprise, doit être nettement écartée. Outre que le débouché serait parfaitement défendu, le tunnel peut être instantanément détruit ou noyé, — on l’enfumerait au besoin avec des gaz asphyxiants, — et la progression des trains (à traction électrique) vers l’Angleterre est commandée de la seule côte anglaise. Enfin le tracé de la voie, immédiatement après le débouché, est tel que les trains, lancés sur un viaduc dominant la mer, pourraient être détruits eux-mêmes par les feux des navires de guerre. Cette dernière « sécurité, » de création assez récente dans le processus des plans du tunnel, avait donné pleine satisfaction à la commission militaire britannique chargée de l’examen du projet. Peut-on exiger davantage ?…

  1. Je prends la liberté de rappeler à ce sujet l’article que j’avais fait paraître ici même, le 15 mai 1916. Cet article prouvait, je l’espère du moins, l’inanité des craintes qui dominaient alors le gouvernement et l’opinion en Angleterre. C’était le G. Q. G. qui m’avait demandé cette étude.