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beaucoup plus avant son succès [1]. Nos soldats soutinrent, le 26, une lutte acharnée sur le front Wormezeele-Sherpenberg et tinrent bon. Foch n’hésitait pas à lancer une nouvelle division française dans le combat, grossissait le Détachement d’Armée Mitry et fermait à l’assaillant, d’ailleurs affaibli, le reste du massif.

Le Général en Chef, revenu de sa personne en Flandre, ne cessait de recommander tout à la fois la ténacité dans la défensive et le discernement dans l’emploi des forces ; à Plumer, à Mitry il dictait les ordres de résistance, à tous il interdisait tout repli volontaire : « aucun chef, à aucun échelon, ne devait ordonner tel repli sous prétexte d’alignement ou d’occupation d’une nouvelle ligne ; » il recommandait en revanche, une fois de plus, l’offensive comme le seul moyen de briser celle de l’ennemi, prônait particulièrement l’attaque dans le flanc droit de l’Allemand, sur le front Robecq-Festubert, en direction de Merville-Estaires. D’ailleurs, ne marchandant point à l’allié éprouvé l’aide française, il faisait un nouvel appel au général Pétain pour que de nouvelles divisions fussent expédiées dans le Nord et prescrivait à Mitry d’étendre son action vers Ypres.

L’ennemi était d’ailleurs décidément contenu. Ayant, le 29 avril, attaqué sur le front compris entre le canal au sud d’Ypres et le Nord-Est de Bailleul, il échouait aux ailes, ne réussissant à s’emparer que de Locre, qui allait devenir pour de longues semaines l’unique théâtre du duel. C’était une de ces fins de bataille telles qu’on en avait tant vu en 1914 et en 1915 : toute une lutte de large envergure agonisant dans des soubresauts spasmodiques autour d’une localité, ou même d’une baraque, une maison du Passeur, une butte de Tahure ; aujourd’hui ce serait l’hospice de Locre. La prise de Kemmel, grave, affaire, ne donnait tout son effet que si elle entraînait le forcement du massif, faisait tomber Ypres, ouvrait la route de Cassel : or le massif restait entre nos mains, Ypres demeurait paradoxalement debout et Cassel était couvert. On continuera de se battre, de notre fait comme de celui de l’ennemi, autour de l’hospice de Locre, ou de l’étang de Dickebusch jusqu’au milieu de mai, mais la bataille des Flandres était close.

  1. Un officier allemand, capturé ultérieurement (le 24 juillet), devait déclarer que les pertes subies dans les offensives précédentes avaient déprimé le moral « notamment lors de la bataille de Kemmel qui fut une boucherie''. »