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La bataille des Flandres subissant, du 19 au 24, une acalmie, Foch en profitait pour résoudre au mieux es problèmes. II amenait facilement Haig à consentir au remploi des divisions britanniques fatiguées, sur le front français, s’entendait avec Pétain sur l’emploi de ces forces et du corps italien. Mais, avant tout, la question des effectifs américains devait le préoccuper : la crise des effectifs des Armées Alliées exigeait, « pour terminer victorieusement la bataille engagée, » que le Gouvernement des États-Unis envoyât exclusivement en France, pendant le deuxième trimestre de 1918, des fantassins et des unités de mitrailleuses ; des conférences eurent lieu d’où allait sortir un accord : l’Angleterre fournirait un tonnage nécessaire pour le transport de 130 000 Américains en mai, de 150 000 en juin, fantassins et mitrailleurs, le tonnage américain restant réservé aux transports de l’artillerie, du génie, et des services. Ainsi, quoi qu’il arrivât, aborderait-on avec confiance le début de l’été.


Les Allemands ignoraient ces transactions, mais leur instinct les poussait à presser et à intensifier les attaques. De plus en plus, leur diversion des Flandres tournait à la grande opération vers la mer. En Allemagne, on rééditait maintenant ouvertement le Nach Calais d’octobre 1914. Et la bataille qui avait paru s’affaisser depuis le 19, soudain, se ralluma. Brusquement, le 25, l’ennemi attaqua au Sud d’Ypres, entre Wytschaete et Dranoutre. C’était le Mont Kemmel qui était, ce jour-là, l’objectif visé. Deux divisions françaises et une anglaise couvraient cette magnifique position. Mais elle n’était défendable que peu d’heures, car les abords en avaient été au préalable perdus et comment défendre une montagnette lorsque l’on n’a point en avant le champ nécessaire pour en préserver les approches ? Les Allemands lançaient contre le petit massif des Monts, qu’ils comptaient emporter tout entier, des troupes magnifiques : leur corps alpin bavarois qui attaqua avec un splendide élan. Nos hommes se couvrirent de gloire en défendant, une journée entière pied à pied, le terrain assailli ; on leur avait dit de maintenir coûte que coûte la position : cela nous coûta en effet de lourdes pertes, mais aussi à l’ennemi, car ayant emporté le village et le mont de Kemmel, il parut incapable de poursuivre