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décisive de l’ennemi vers le littoral, et, en dépit de ce qui s’allait produire, il paraît difficile, même et surtout aujourd’hui, de lui donner tort. Mais il était clair que, de quelque façon que la bataille se poursuivit dans les semaines qui suivraient, nous étions au pire moment, et que, pour gagner une meilleure heure (on pouvait la prévoir pour la fin de juillet), il fallait que l’Entente fit face plus énergiquement que jamais à un ennemi décidé à en finir.

L’Entente y paraissait résolue. A la conférence d’Abbeville du 2 mai, Foch avait vu ses pouvoirs fortifiés encore et étendus. Il avait été admis que, le Comité exécutif du Conseil suprême de guerre de Versailles étant supprimé, le général en chef recevrait pour tout le front occidental — l’italien compris — les pouvoirs de coordination qui, à Doullens, lui avaient été confiés sur le seul front de France. Et Foch allait, en conséquence, adresser, le 7 mai, un appel pressant au général Diaz, commandant en chef les armées italiennes, pour que nos alliés d’outre-monts préparassent à brève échéance une offensive sérieuse. D’autre part, il pressait le général Pershing de mettre en route vers le front de bataille les divisions américaines instruites. Enfin il revenait — comme toujours — à la pensée d’une offensive et même de plusieurs offensives qui préviendraient celle de l’ennemi.

Dès le 12 mai, en effet, il pressait Pétain de faire préparer par le groupe d’armées Fayolle une attaque très large destinée à dégager le chemin de fer de Paris à Amiens ; il engageait Haig à en préparer une autre sur le flanc de l’ennemi afin de dégager les mines de Bruay, ne cessait de voir lui-même les grands chefs, de les entretenir de ses projets, et ces entretiens aboutissaient à la Directive 3 du 20 mai où tient toute la pensée du général en chef à cette heure critique. Cette pensée est toute offensive. Il l’avait déjà formulée dans sa note du 12 à Pétain : lui indiquant les attaques à monter, il ajoutait : « C’est dire que notre offensive ne peut viser un objectif limité par nous-mêmes et à faible portée ; — qu’après avoir arrêté l’ennemi dans les Flandres, en Picardie ou sur la Somme, si nous l’attaquons, c’est pour le battre, le désorganiser le plus possible ; que la bataille engagée par nous dans ce but doit être le plus rapidement poussée le plus loin possible, avec la dernière énergie, — qu’elle ne peut simplement viser à :