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Kemmel, et permis aux troupes britanniques de réoccuper, le 4 septembre, le front Wulwerghem-Nieppe-Fleurbaix-Laventie-Givenchy-lès-la-Bassée. Après la poche creusée en mai entre Aisne et Marne, après !a poche creusée en mars entre Ancre et Oise, la poche creusée en avril entre la région d’Ypres et celle de Béthune était réduite. L’ennemi était ainsi à peu près ramené à ses lignes de départ et ses coûteuses, mais redoutables, victoires du printemps 1918 frappées de vanité.

Une phase du duel gigantesque engagé le 21 mars était donc close. L’offensive allemande ayant été en partie arrêtée le 15 juillet, la contre-offensive alliée, déclenchée le 18 juillet, se terminait par une complète victoire avant que l’été de 1918 fût révolu.

L’ennemi, maintenant ramené sur ce tremplin d’où, au printemps, il s’était élancé pour le Friedensturm, était réduit à défendre ce que, depuis près de quatre ans, il considérait comme le glacis de son Empire. La seule chance de victoire qui lui restât pour un avenir bien incertain, résidait moins dans sa force combative, de l’aveu de ses chefs considérablement affaiblie, que dans une hésitation possible de ses adversaires à poursuivre leurs avantages. Foch passerait-il incontinent de la contre-offensive d’été à une offensive générale d’automne ? Tout était là. L’Etat-major allemand peut espérer que les armées alliées, fatiguées d’un si gigantesque effort de sept semaines, après une meurtrière défensive de quatre mois, s’arrêteront devant le rempart Hindenburg et, remettant à 1919 la décision, permettront à leur ennemi désemparé de se ressaisir en vue de combats ajournés. Et c’est déjà un fait considérable que celui-ci : les armées allemandes à la merci d’une décision d’un maréchal de France et attendant, en quelque sorte, de son arrêt seul le sursis ou la ruine.

A cette heure solennelle, — l’une des plus solennelles sans doute de notre histoire, — Foch tient la destinée non seulement de son pays, mais de tout un monde. S’il hésite, atermoie, ajourne, il est le vainqueur qui n’aura pas su profiter de sa victoire, et cette victoire sera, de ce fait, remise en question. Si, au contraire, il a arrêté en son esprit la perte de son adversaire à brève échéance, s’il en a créé toutes les conditions et sans hésitation, sans arrêt, sans repos, en poursuit la réalisation, la victoire décisive est entre ses mains et celles de ses soldats.