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A la vérité, l’assaut, — s’il est livré, — ne le sera pas sans grands risques. On est devant la Ligne Hindenburg [1] et, la redoutable position même rompue, on sait ce que, derrière cette barrière, on rencontrera encore d’obstacles et de traverses. La bataille, s’il faut la conduire jusqu’au bout, va se heurter à un triple rempart.

L’organisation allemande comporte bien, en effet, trois positions principales de défense.

Tout d’abord la fameuse « Ligne, » profonde en moyenne de deux à trois lieues ; ce premier rempart court de la mer à la Suisse, passant à l’Est de Furnes, d’Ypres, d’Armentières, englobant le Catelet, Saint-Quentin, La Fère, se coudant au nord d’Anizy-le-Château, enveloppant Laon qui lui sert de soutien, franchissant l’Aisne au nord de Berry-au-Bac, s’acheminant de l’Ouest à l’Est, de la région de Reims à la Meuse, se coudant encore au nord de Verdun qu’elle enserre jusqu’à Saint-Mihiel, où, s’infléchissant pour la troisième fois, elle s’achemine en avant de la défense de Metz jusqu’à Château-Salins, redescend alors vers la région de Mulhouse et ne se termine qu’à la frontière suisse, au nord-ouest de Bâle.

Savamment et mûrement constituée par l’État-major allemand, cette redoutable position Hindenburg utilise tous les obstacles naturels, lignes de hauteurs et lignes d’eau, rivières, canaux, collines, ravins, forêts, marais. Il faut lire, dans le rapport de sir Douglas Haig, la description de la partie spécialement offerte à ses coups entre Lens et Saint-Quentin et, par exemple, de quelle façon a été « organisé » le canal de Saint-Quentin entre cette ville et Bantouzelle (sud de Marcoing), pour se rendre compte de l’art infernal avec lequel tout avait été mis en œuvre. « Tout ce système défensif, ajoute le Maréchal, qui englobait de nombreux villages organisés constituait une zone de 7 à 10 000 mètres de profondeur dont la puissance avait été développée par tous les moyens possibles et qui mérite sa haute réputation. »

Sans doute, toutes les parties de la célèbre « ligne » ou, pour parler plus juste, de la « position » ne présentaient point l’incroyable

  1. On trouvera, aux pages 792 et 793, la carte de la position Hindenburg établie d’après de nouveaux documents.