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(affluent de l’Oise), que la ligue Hindenburg, ces positions prennent, en revanche, entre la Serre et la Moselle, le caractère formidable de la célèbre ligne ; ce sont ces positions Hunding, Brunehilde, Kriemhild, Michel que, la ligne franchie, les armées de droite de Foch trouveraient, en face d’elles, et, derrière ce nouveau rempart, un troisième se dresse. Il court de Douai à Metz par le Quesnoy, le Cateau, Hirson, Mézières, Sedan, Montmédy, Briey : Hermann Stellung, Hagen. Stellung ; nouvelle ceinture de positions redoutables couvrant de près les frontières mêmes de l’Empire et que, au cas où il aurait été forcé sur les deux premières « lignes », l’Allemand s’est juré de défendre « fût-ce contre l’enfer. »

Jamais l’histoire des guerres n’a fait mention d’un pareil système défensif. L’État-major allemand, depuis deux ans, — parfois trois et quatre, — a éprouvé une sorte de délectation à remettre et remettre sans cesse sur le métier un ouvrage si parfait. Les tranchées se sont multipliées, rectifiées et améliorées ; les blockhaus se sont bétonnés et cuirassés ; chaque mois, se sont accumulées les défenses ; on a inventé d’ingénieux flanquements, créé de perfides couloirs, organisé les guets-apens, raffiné les moyens, installé canons et mitrailleuses de position, croisé les feux, approfondi les abris, truqué le terrain, et ce travail restera sans doute un des plus curieux témoignages du génie particulier de la race allemande, fait d’une magnifique capacité de nuire, d’une singulière puissance de travail et de ce mélange étrange de colossal dans la conception et de puérile badauderie qui le fait se mirer dans son œuvre toujours « au-dessus de tout. » Tel quel, rien de plus redoutable n’a été opposé à l’assaut d’un ennemi ; tout y a été mis, on ne peut mieux faire ; et ce triple rempart rassure, pour l’heure, l’ennemi qui, hier talonné, s’y réfugie.

Alors Foch pose à son service de renseignements une seule question : « Que vaut le moral de ces gens-là ? » Car, ayant étudié l’histoire, il sait que rien ne prévaut contre le moral de l’assaillant, sauf celui de l’adversaire, et il a compris le sens du récit biblique où nous est conté comment, à l’appel des trompettes d’Israël, tombèrent les murailles de Jéricho. Avant deux mois, de tout ce magnifique ensemble de travaux, il ne restera rien, parce que dans l’âme du combattant, plus que dans le béton des blockhaus, se trouve le secret de la victoire.