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labyrinthe que les Alliés allaient trouver en face d’eux entre Lens et La Fère. En aucune partie de cet « incomparable » rempart, l’Etat-major allemand n’avait à ce point multiplié ses moyens de défense. La position avait, du nord de Lens au Sud-Est de la Fère, ses parties faibles ; mais celle-ci n’était que relativement faible. Presque partout en effet, on retrouverait, plus ou moins compliqué, ce système de tranchées se croisant dans tous les sens, de réseaux formidables de fils de fer, vrais maquis de ronces d’acier, de tunnels sournoisement creusés, de remblais organisés, de cours d’eau utilisés, de marécages aggravés, de réduits bétonnés pour un monde de canons et de mitrailleuses, de villages fortifiés, de bois aux traquenards multipliés, ce rempart aux milles trappes où faire trébucher l’adversaire, dont, en toute bonne foi, un chef allemand pourra déclarer à ses troupes, le 16 septembre encore, qu’il est « imprenable. »

La plus « imprenable » partie semblait cependant bien celle qui, de La Basses au coude de Laon, avait reçu les noms de Wotan, Siegfried et Alberick. Car toute la mythologie wagnérienne avait été mise à contribution pour donner, — tout au moins aux yeux des Allemands, — un prestige de plus à cette muraille sans précédent : les Titans n’avaient pu, même en mettant Pélion sur Ossa, escalader l’Olympe ; les Alliés pour- raient-ils violer ce Walhalla ? Ne se fiant pas, nous venons de le voir, à ce seul prestige (un Foch, en fait, n’est pas homme, ni un Haig, ni un Pétain, à se laisser impressionner par ce romantisme à la façon de Guillaume II), l’ennemi a, par surcroît, couvert la « ligne » de bastions avancés ; les avancées de la position Hindenburg sont encore à prendre, sauf une, tombée déjà aux mains de l’Anglais, entre Drocourt et Quéant, et pour les conquérir, il faudra déjà, semble-t-il à l’Allemand, livrer de si durs combats que l’assaillant n’arrivera qu’épuisé sur les vraies défenses.

Franchirait-il par grande fortune, dans toute sa profondeur, le rempart Hindenburg qu’il se trouverait en face d’un nouveau système. Ce sont deux lignes à la vérité moins continues, s’appuyant d’un côté au camp retranché de Lille, puissamment organisé, de l’autre, à la région fortifiée de Metz-Thionville.

La première de ces lignes est jalonnée par Douai, Cambrai, Guise, Rethel, Vouziers, Dun-sur-Meuse, Pagny-sur-Moselle ; moins rigidement constituées, de l’Escaut au nord de la Serre