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cette partie du front était, pour la majeure portion, tenue par la 6e armée (général Duchêne) ; le 30e corps, de Pontoise au chemin de fer de Laon à Soissons ; le 11e corps, de ce point aux forêts incluses de Vauclerc et d’Oulches ; le 9e corps britannique, récemment envoyé du Nord, de ces forêts au nord de Reims. Là commençait le secteur de la 4e armée.

Quoique l’éventualité d’une attaque sur ce front eût été a plusieurs reprises envisagée, elle n’avait été retenue que comme une des nombreuses hypothèses, à la rigueur plausibles, que pouvait suggérer l’examen de la situation générale. Très peu de jours même avant l’attaque, rien ne dénonçait plus spécialement ce secteur du front à l’attention du Haut Commandement. C’est qu’en aucune circonstance, les préparatifs allemands ne furent, — nous allons y revenir, — plus secrets.

Le secteur n’avait donc pas été l’objet d’un renforcement. Il s’en fallait. Il était faiblement tenu ; une division en première ligne pour 8 kilomètres, une en deuxième ligne pour 14 kilomètres [1]. Et certaines de ces divisions avaient à peine eu le temps de réparer leurs pertes, car plusieurs avaient été engagées dans la récente bataille de mars ; c’était, par exemple, le cas de la 22e division du 11e corps ; la droite de la 6e armée était constituée par le 9e corps britannique, qui n’avait été envoyé dans cette région que pour se refaire des cruelles fatigues de la bataille du Nord. En arrière de ce front, il ne se trouvait, entre Aisne et Marne, que des divisions récemment ramenées des Flandres ou de la Somme et en train de panser leurs blessures. La force géographique de la position, constituée par des plateaux à pentes fort roides du côté de l’Ailette et couverte par la petite rivière aux bords marécageux, pouvait, à la vente, rassurer J’ai dit que c’était une énorme place forte naturelle, mais avec une bien médiocre garnison, tout au moins si l’on s’en tient à la quantité. La trouée de Juvincourt semblait plus difficile à défendre, ainsi que les environs de Reims ; mais si les plateaux tenaient bon, il était peu probable que l’attaque pût réussir entre Berry-au-Bac et Reims ou tout au moins se développer au delà de cette ligne. Or, on comptait sur les plateaux plus qu’il n’eût convenu en cette étrange guerre, où un simple pli de terrain

  1. C’étaient des fronts triples de ceux qui généralement étaient admis comme « fronts de bataille. — Il est assez inutile de chercher ailleurs le secret de notre enfoncement » du 27 mai.