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dont il avait hérité vers 1791. La pension qu’il payait chez Dubuisson ne pouvait manquer d’être forte, sans atteindre aux prix de Belhomme. Il avait à entretenir, rue de l’Université, 46, le ménage de sa femme, laquelle avait au moins une femme de chambre. Son fils était placé en province et ne manquait point de coûter ; pour subvenir à tout, il n’avait que son traitement de réforme ou de retraite. Encore était-il fort aventuré ! Le 29 janvier 1810, le ministre de la Guerre a posé cette question à l’Empereur : Faut-il priver de tout traitement le général Malet ou lui payer les deux tiers de sa solde de retraite ? Et l’Empereur a répondu : « Ce misérable doit être privé de tout traitement. » Si quelque somme lui est payée, c’est donc maigre la volonté de l’Empereur. Aussi est-il aux expédients. Quelque intérêt qu’il ait à être en règle avec Dubuisson, qui, déjà fort las de la surveillance et des ennuis que lui causent les prisonniers politiques, n’aspire qu’à s’en débarrasser, trouvant les fous d’un bien meilleur rapport, il est en retard de plus de 1 200 francs sur sa pension alimentaire. Le 23 octobre 1812, il a douze francs en poche, et c’est toute sa fortune. A ce mobile d’argent qui sans doute est principal, il faut adjoindre une forme d’ambition qui n’est pas sans doute éloignée d’être délirante.

Qu’il prise haut sa valeur militaire et les services qu’il a rendus, on ne saurait en douter. Aussi bien a-t-il fait ses preuves à l’armée d’Italie, à Angoulême, à Naples et à Rome. La façon dont il envisage ses actes n’est ni celle de ses supérieurs, ni celle de ses égaux ; il ne l’estime pas moins la seule conforme à la réalité. Par suite, il se tient victime d’une grave injustice, puisqu’il est gardé en prison, qu’il n’est ni employé, ni promu. Un de ses premiers actes, en 1808, a été de réparer une telle iniquité et de se décerner le grade de général de division. C’est le moins qu’il ait pu faire ; mais cette troisième étoile n’était point fixe.

On a pu juger à l’abondance de ses suppliques et au ton qu’il a adopté, qu’il s’estime victime d’un abus d’autorité. Il commence ses pétitions avec un calme affecté, il poursuit par des flatteries grossières, puis il tourne à la violence et, pour peu, il injurierait et menacerait. C’est là exactement sa formule : elle est connue.