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avaient témoigné d’un emportement indiscutable contre les représentants de l’autorité, mais aussi de leur âge, de leur éducation, de leur grade et de l’ancienneté de leurs services militaires. Ceci ressortit des peines prononcées en particulier contre les officiers de la 10e cohorte, Soulier, Picquerel, Fessard, Lefèvre, Régnier, Steenhover, tous ayant passé la quarantaine, officiers ou sous-officiers retraités, qui connaissaient la valeur d’une consigne, et ne devaient point se laisser intimider par un ordre supposé. Elle acquitta des hommes qui, n’ayant la plupart point servi, avaient été intimidés ou affolés, et n’avaient point su résister aux ordres d’un général [1]. Dans la Garde de Paris, le lieutenant Beaumont, qui s’était signalé par son mauvais esprit, fut le seul des sous-ordres condamné. Le colonel Rabbe et le capitaine de grenadiers Borderieux payèrent pour tous. Ainsi, les généraux de brigade Malet, Lahorie, Guidal, le colonel Rabbe, le chef de bataillon Soulier, les capitaines Steenhover, Borderieux, Piquerel, les lieutenants Fessard, Lefebvre, Régnier et Beaumont, le caporal Rateau et le prisonnier d’Etat Boccheiampe furent condamnés à la peine de mort. Les dix autres furent acquittés. Rabbe obtint un sursis à cause de ses anciens services, et Rateau pour les révélations qu’il paraissait disposé à faire.

Au moment où les condamnés quittaient la salle des séances, Malet, interpellant Lahorie et Guidal, leur dit : « Vous vous lamentez, et vous paraissez craindre la mort ; sachez donc que, dans six mois, il se portera des coups plus terribles et plus sûrs. » Personne ne releva le propos.

Le 29, « à trois heures de l’après-midi, un gros d’infanterie et de cavalerie encadra les fiacres qui devaient conduire les condamnés de la prison de l’Abbaye à la plaine de Grenelle. Ils y montèrent deux par deux, avec deux gendarmes ; les gendarmes chargés de la sûreté des condamnés devaient recueillir les propos qu’ils pourraient tenir en allant au supplice [2]. »

  1. J’imagine que tel fut le cas de mon grand-oncle, « Amable-Aimé Provost, né en juillet 1789 à Clermont, département de l’Oise, fils de Toussaint-Marie-Amable et de... Rose, domiciliés à Bresle, susdit département, lieutenant de la 1re compagnie de la 10e cohorte, » sur lequel une note de police s’exprime ainsi : « Provost, suivant les renseignements donnés par le préfet de l’Oise, appartient à une famille aisée et considérée. Il jouit personnellement d’une bonne réputation, mais il paraît avoir une intelligence bornée. »
  2. Il n’y a donc lieu de tenir aucun compte des discours que, selon Dourille, Marco Saint-Hilaire, etc., Malet aurait adressés sur la route à divers passants, — phrases à effet dont les premiers inventeurs ont été Lafon et Nodier.