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et inconnu, qui lui aurait remis, le 22, entre onze heures et midi, la minute authentique d’un sénatus-consulte dont il avait simplement fait et certifié les copies. A la vérité, cette minute était perdue, mais sans doute on la lui avait volée. Tel fut le thème falot sur lequel il fonda d’abord sa défense. Il y renonça lorsque, le 28, à sept heures et demie du matin, il comparut devant la Commission militaire instituée en vertu d’une décision du Conseil des ministres, par arrêté du ministre de la Guerre du 23 octobre. Cette commission, présidée par le général comte Dejean, était composée des généraux Deriot et Henry, des colonels Gemeval et Moncey et du major Thibault ; le capitaine Delon étant rapporteur. Les accusés étaient au nombre de vingt-quatre : Caamano et Boutreux n’en faisaient point partie ; leur affaire, n’ayant pu être instruite, était disjointe. Sauf eux, y figuraient les prisonniers de la Force, les officiers de la 10e cohorte et de la Garde de Paris. La fonction de la commission était simple. « Les accusés ne pouvaient nier qu’ils n’eussent, en temps de guerre, pris part, à main armée, à une rébellion contre le gouvernement de l’Empereur. » Ce qui restait à évaluer était le degré de culpabilité. Malet renonça devant la commission à son insoutenable système de défense. Il reconnut comme ayant été écrites, signées, envoyées par lui les différentes pièces : sénatus-consulte, ordre du jour, proclamation, ordres aux commandants des troupes de la garnison ; il reconnut les pistolets comme ayant été saisis sur lui, il reconnut enfin un paquet de cartes timbrées de la lettre L. et le cachet qui avait servi à les timbrer. Dès lors, comme le dit le Président, « dès que l’accusé reconnaît les pièces et constate qu’il a signé et reconnu le résultat de l’interrogatoire, je juge inutile de faire aucune nouvelle question. » Lorsque la commission donna la parole aux accusés pour leur défense, Malet dit simplement : « Un homme qui s’est constitué le défenseur des droits de son pays n’a pas besoin de défense ; il triomphe ou il meurt. » Ainsi n’expliqua-t-il rien, ni de ses projets, ni de la mystification par laquelle il avait amené des soldats jusque-là irréprochables, certains, héroïques comme Soulier, sur le banc des accusés. Toutefois, il s’efforça de dégager la responsabilité de quelques-uns, comme Soulier, et surtout Rateau.

La Commission militaire tint compte non seulement de l’attitude des accusés durant la matinée du 23, où certains