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contre lesquelles ils devaient toujours rester échangeables ; mais ils n’ont pas tardé à être créés en quantités supérieures à celles du numéraire déposé dans les caves de la Banque ou du Trésor public qui les émettent. Dès lors ce papier a constitué un instrument de paiement distinct des espèces en lesquelles il cessait d’être remboursable ; il recevait l’investiture de l’Etat qui en avait décidé ou autorisé la création ; il devenait monnaie légale. Mais, par cela même que l’intervention du législateur était nécessaire pour lui conférer une vertu libératoire, sa force expirait à la frontière. Le Parlement qui siège au Palais Bourbon peut bien obliger tous les Français à recevoir des billets de la Banque de France en paiement de leurs créances ; mais il ne peut l’ordonner à un Anglais ni à aucun autre étranger.

Dès lors la monnaie française, n’étant plus exclusivement constituée par des pièces d’or ou des billets remboursables à vue en or, se différencie de la monnaie anglaise. Le Français débiteur d’un Anglais est obligé de chercher un mode de paiement qui soit accepté par ce dernier. C’est à partir de ce moment qu’un écart peut se produire entre la valeur du franc et celle de la livre sterling. Prenons un exemple encore plus frappant. Les monnaies métalliques de la France et de l’Italie sont identiques. La pièce d’or de 20 francs et celle de 20 lire contiennent exactement la même quantité d’or fin. Cependant, une lira italienne s’achète aujourd’hui sur le marché de Paris moyennant 90 centimes de notre monnaie. C’est que, en deçà comme au delà des Alpes, il existe une monnaie de papier non remboursable en or et dont la valeur est inégalement appréciée par les Italiens, les Français et les étrangers.

Ce qui précède suffit à mettre en lumière les deux termes du problème. L’opération du change est celle d’un transport de monnaie, nécessité par un échange de marchandises qui s’effectue par delà les frontières, entre nationaux de pays différents. Il faut donc examiner d’abord la position réciproque d’endettement des deux pays que l’on considère, ensuite la nature de la monnaie de chacun d’eux. On peut appeler les premières causes « physiques, » parce qu’elles sont analogues aux forces naturelles qui mettent les corps en mouvement ; les secondes « chimiques, » parce qu’elles naissent de la nature même de ces corps, de la monnaie qui sert aux échanges. Le