Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/911

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est ce commerce qui est à la base de la question que nous allons étudier ; elle ne se pose que parce qu’il existe. C’est là un point essentiel, sur lequel nous ne saurions trop attirer l’attention de nos lecteurs, car il éclaire tout le problème. Le change, en effet, n’est pas autre chose que l’opération qui transforme la monnaie d’un peuple en celle d’un autre peuple. Or, s’il n’y avait point d’échanges entre les différents pays, il n’existerait aucune obligation de faire des paiements de l’un à l’autre, ni par conséquent de se procurer, au moyen de la monnaie du pays débiteur, celle du pays créditeur ; ce besoin nait à la minute où un Français, par exemple, désireux d’avoir du charbon anglais, se préoccupe de transformer les francs dont il dispose en livres sterling que lui réclame le mineur de Cardiff qui va lui fournir de la houille.

Si tous les pays qui commercent entre eux avaient la même monnaie, le problème serait simple. L’acheteur d’une marchandise étrangère n’aurait qu’à puiser dans la circulation de son propre pays la quantité de monnaie correspondant au montant de son achat : l’opération serait réglée par ce déplacement d’une fraction du stock monétaire ; elle pourrait se renouveler avec la même facilité aussi longtemps que le stock ne serait pas épuisé. Ce jour-là cesseraient les possibilités d’importation.

Dans la réalité des faits, aucun régime monétaire n’est identique à un autre, alors même que les apparences semblent attester cette identité. Cela tient à ce que, dans le monde moderne, il n’est aucune nation dont la circulation consiste uniquement en espèces métalliques. Si tel était le cas, si par exemple les échanges se réglaient en France et en Angleterre uniquement au moyen de pièces d’or, celles-ci voyageraient de Calais à Douvres ou de Folkestone à Boulogne pour régler la balance des échanges entre Français et Anglais. Les souverains britanniques apportés chez nous seraient fondus à l’Hôtel des Monnaies du quai Conti et transformés en napoléons ; ceux-ci à leur tour, réexpédiés à Londres pour payer des marchandises britanniques, y seraient transformés en livres sterling. Mais cette situation élémentaire ne correspond pas à la réalité des faits : les nations modernes ne se contentent pas d’une circulation métallique, elles y ajoutent des billets. Ceux-ci ne furent d’abord qu’une représentation matérielle des espèces monnayées.