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En dehors de ces exceptions, la majorité des changes, sur la place de Paris, étaient, en 1913, cotés aux environs du pair, c’est-à-dire du cours représentant l’équivalence en or des diverses monnaies comparées les unes aux autres. La plupart des monnaies étrangères étaient même obtenables à Paris, en général, au-dessous du prix correspondant à leur teneur métallique ; en d’autres termes, les changes nous étaient régulièrement favorables ; nous étions créanciers du reste du monde.


II. — LES CHANGES PENDANT LA GUERRE

Telle était la situation, lorsqu’éclata le coup de tonnerre de juillet 1914. Personne, au premier abord, n’en mesura les conséquences économiques, pas plus qu’on ne prévit la façon dont se dénouerait, au point de vue politique, le gigantesque conflit qui allait mettre aux prises la majorité du genre humain. Mais il devint bientôt évident que les effets financiers ne seraient pas moins considérables que les autres et dépasseraient en intensité et en violence tout ce que la génération actuelle avait connu.

Le marché des changes à Paris présenta, dans les premières semaines de la guerre, le spéciale d’une baisse de la plupart des devises (c’est l’expression qu’on emploie souvent pour désigner les changes sur l’étranger) : la livre sterling tomba au-dessous de 25 francs, et le dollar américain au-dessous de 5 fr. Cela venait de ce que des voyageurs Anglais et Américains, se trouvant en France et désirant regagner au plus tôt leur pays, voulaient se procurer immédiatement de la monnaie française pour solder leurs dépenses et vendaient à cet effet, à n’importe quel prix, des chèques tirés par eux sur les banques de Londres et de New-York, où leurs fonds étaient déposés. En même temps, beaucoup de Français cherchaient à rapatrier des sommes qu’ils avaient en dépôt au dehors. Ces deux ordres de causes déterminèrent des offres pressantes de monnaies étrangères. Cette dépréciation fut d’ailleurs de courte durée. Dès la fin de l’année 1914, le dollar et la livre sterling avaient reconquis le pair. En 1915, ils commencèrent à le dépasser. Les États-Unis et l’Angleterre nous vendaient des armes, des munitions, des vivres, du charbon, pour des sommes croissantes ; en même temps nos exportations vers ces deux