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changes. A Vienne, par exemple, la banque austro-hongroise, qui ne remboursait pas ses billets en or, fournissait cependant du métal jaune aux importateurs, de façon à leur permettre de régler leurs achats sans détériorer le cours de la monnaie indigène. Les mouvements des changes étaient de faible amplitude et demeuraient imperceptibles au regard du public ; ils n’intéressaient que les financiers et certains commerçants en gros, dont le chiffre d’affaires était assez considérable pour qu’un écart, insignifiant en apparence, dans le cours du change eût une répercussion sensible sur leurs affaires.

Seuls, les changes avec certains pays d’outre-Mer présentaient, même en temps de paix, le spectacle de dénivellations profondes, dues au fait que les uns étaient au régime du monométallisme argent, les autres à celui du papier monnaie. Les monnaies de plusieurs Républiques sud-américaines, telles que le milreis brésilien ou la piastre chilienne, n’étant représentées que par des billets à cours forcé, subissaient des dépréciations parfois énormes, en raison de la multiplication de leur quantité ou d’un excès d’importation.

Le tael chinois, la piastre indo-chinoise sont des unités d’argent, dont la valeur exprimée en monnaies de pays à étalon d’or, variait selon les cours du métal blanc. Les pays qui sont encore à l’étalon d’argent ne sont pas les plus nombreux ni les plus puissants. Ils tiennent cependant une place considérable et ils peuvent être appelés à devenir des facteurs essentiels dans l’histoire de demain. La Chine, l’empire français d’Extrême-Orient, les Indes anglaises renferment la moitié de la population du globe ; et, bien que l’Hindoustan ne soit pas, à proprement parler, au régime du monométallisme argent, ce métal joue encore un tel rôle dans la vie journalière de ses peuples qu’on peut le ranger parmi les pays qu’intéresse le métal blanc. Or, les destinées de celui-ci, pendant la guerre, ont été des plus mouvementées. En 1914, il valait 80 francs le kilogramme, aujourd’hui 300. Le change avec notre Empire d’Extrême-Orient, mesuré par notre piastre indo-chinoise, a passé de 2 fr. 40 à 8 francs. Le bouleversement est encore plus profond que sur le marché des changes avec les pays à monnaies d’or. Mais, comme le volume de nos transactions avec l’Asie est faible par rapport au reste de notre commerce extérieur, on s’émeut moins d’un écart, cependant plus grand.