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dans le monde, la lutte des peuples pour se disputer la terre. C’est ainsi ; c’est la loi de nature. Le progrès, la douceur des mœurs pourront atténuer les formes de la concurrence, — la supprimer, jamais : ce serait aller contre la nature. La nature, c’est la guerre ! Que les éléments supérieurs oublient de vaincre un moment, alors c’est l’élément ignoble qui prendra le dessus et qui défendra sa conquête par les pires violences à moins que l’élite ne consente à la victoire de la canaille. Mais l’élite même ne vit qu’à la condition d’être forte. »

Voilà l’homme. Dès lors, le droit de l’Allemagne représente pour lui le plus indiscutable des axiomes. N’attendez pas de lui l’ombre d’un désaveu ou la plus légère des amendes honorables. La guerre a été « imposée » à l’Allemagne, comme une nécessité de sa situation : il fallait la faire tôt ou tard pour rompre l’ « encerclement. » La guerre-est donc une guerre « défensive » : l’Allemagne n’a fait que prendre les devants, afin de mener cette lutte avec toutes les chances et par le seul moyen qui procure la victoire : en attaquant. Pour aller au plus court et envahir la France sans exposer la droite allemande à la plus grave menace de flanc, il était essentiel de passer par la Belgique. C’est ce qu’a démontré Schlieffen d’une manière éclatante. Mais la Belgique est neutre ? Ludendorff hausse les épaules : cette neutralité est une farce dont personne n’est dupe. Il a collaboré dix ans au plan d’opérations ; c’est la doctrine de l’état-major ; le reste n’est que phrases en l’air et mots vides de sens. Au surplus, s’y prendre autrement et entamer la guerre en retournant le problème, par la défensive à l’Ouest et l’offensive en Russie, ce serait vouloir une guerre longue, et perdre les bénéfices de l’attaque brusquée. Voilà la vérité établie cent fois par Schlieffen et acceptée par tout esprit qui ne se paye que de réalités.

De même Ludendorff traite de « légende » les « atrocités belges » (ce qui signifie les atrocités allemandes en Belgique), et rejette sur les « francs-tireurs » la faute des « exemples » que l’armée allemande fut contrainte de faire. Les gaz asphyxiants n’ont, à ses yeux, pas besoin d’un mot de justification. On s’en sert pour la première fois en Russie ; il faisait trop froid. La seconde fois, le vent était bon ; mais la troupe manquait d’instruction. Plus tard, il y eut des malheurs et des retours de vent. Le soldat n’aimait pas cette arme, dont l’usage exigeait