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etc., etc. Ces diatribes remplissent un bon tiers du volume, noient, — peut-être à dessein, — le récit des événements militaires. On sent que Ludendorff, chargé par le destin de la responsabilité écrasante de sauver son pays (il avait déjà eu, comme chef d’Etat-major, une part importante dans la mise au point du plan d’opérations), veut prouver à tout prix qu’il n’a pas tenu à lui d’y parvenir. Il se défend d’avoir été jamais un « dictateur. » Il n’a jamais pu obtenir la collaboration et l’appui sans réserve du gouvernement. Ce n’est pas lui qui était le maître des ressources du pays. Le programme Hindenburg pour la fabrication du matériel et des munitions, pour le renforcement de l’armée par le service civil et l’incorporation des femmes, n’a pas été réalisé. L’Allemagne a reculé devant les sacrifices. Elle n’a pas voulu se battre jusqu’au bout. Les chanceliers n’ont pas été à la hauteur de leur devoir. Ils ont jugé habile d’avoir une politique de paix qui ne faisait qu’énerver leur politique de guerre. Ils n’étaient « ni chair ni poisson » Ah ! si l’Allemagne avait eu un Gambetta, un Clemenceau ! Mais Ludendorff n’a trouvé autour de lui que le désert : il demeure accablé du néant du personnel politique de l’Empire. Quoi ! 80 millions d’Allemands, et pas un homme ! Partout des gens qui veulent jouir et qui gémissent ! Certes, nous pouvons en croire un ennemi qui nous hait : lorsque Clemenceau, à la Chambre, sous le canon dont les obus voulaient semer la terreur, quand l’ennemi était à quinze lieues de Paris, criait : « Je fais la guerre !,.. Je me bats devant Paris, je me bats dans Paris, je me bats derrière Paris !... » il faut voir Ludendorff écoutant avec rage, au bout du récepteur du radiotélégraphe, ces paroles immortelles. Sa colère sera douce au Tigre : c’est le plus beau témoignage de son admiration.

Ludendorff a raison et c’est là notre gloire : « La France, la Belgique, la Serbie ont plus souffert que l’Allemagne, » et n’ont pas déposé les armes. Ce fut notre impression à tous, en entrant cet automne dans les pays rhénans : l’Allemagne n’était pas battue économiquement. La prospérité extraordinaire de ces pays nous frappa. Le luxe des villages, leur tenue, leur aménagement, leur richesse en fait d’outillage, d’instruments de culture et de progrès, étaient un sujet d’étonnement. A côté de ces villages modèles, qu’étaient nos pauvres bourgades du Dauphiné, du Limousin ? Mais en même temps se faisait jour