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bataille « pour Paris. » Mais d’autres indices permettaient de croire que la bataille « pour la Mer » n’était pas ajournée ou ne l’était que pour quelques jours. Le groupe d’armées du prince Ruprecht de Bavière restait toujours menaçant en face de l’armée anglaise ; il semblait bien qu’il préparât un nouvel assaut dans les Flandres et au Nord d’Arras. Et après avoir songé à appeler au Sud de la Somme certains corps britanniques, Foch, toujours circonspect, les laissait tous à la disposition de Haig ; certains corps seraient simplement mis en réserve pour le cas où la nouvelle attaque tentée par l’ennemi à l’Ouest de l’Oise prendrait pour nous mauvaise tournure.

En fait, on espérait fermement que, ne bénéficiant plus de la surprise, — le projet étant éventé, — l’Allemand serait repoussé ou tout au moins promptement arrêté. On comptait sur le général Humbert, soldat sans timidité ; on comptait aussi sur la méthode qu’on était désormais résolu à opposer aux procédés allemands, maintenant trop connus. Cette méthode consistait à donner à la deuxième ligne de défense une organisation telle, que la première pourrait être sans inconvénients grave forcée ou même bénévolement abandonnée. Celle-ci, à la veille de l’attaque, pourrait devenir simple ligne d’avant-postes. Je reviendrai sur cette nouvelle tactique défensive qui devait, le 15 juillet, sur le front de Champagne, faire trébucher l’attaque allemande. L’intérêt de la bataille Humbert est qu’on s’y devait essayer et celle-ci tournera de telle façon qu’on sera en outre amené à tenter sur le flanc de l’ennemi, un instant aventuré, une manœuvre — la fameuse contre-attaque Mangin sur le plateau de Courcelles — qui, ayant obtenu en partie le résultat cherché, servira également de leçon. Ainsi, sur une petite échelle, l’affaire des 9-11 juin constituera, si j’ose hasarder le mot, une répétition générale, — encore un peu tâtonnante, — du double procédé de parade et de riposte qui, entre le 15 et le 18 juillet, donnera, nous le verrons plus loin, des résultats si magnifiques.

Que, tentée pour la première fois et presque improvisée, la méthode ne dut point donner tous ses effets utiles, on ne s’en peut étonner. La deuxième position était, — en dépit du travail acharné de l’armée Humbert, — à peine préparée pour jouer son nouveau rôle ; le 4 juin, Humbert avait dû décider, pour plus de sûreté, de reporter la défense sur la ligne des réduits de la première position en attendant que l’organisation de la deuxième