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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/113

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IMPRESSIONS DE BERLIN


I

J’avais quitté Berlin avec le personnel de ma légation le 6 août 1914, tandis que l’armée allemande envahissait traîtreusement la Belgique. J’y suis revenu le 16 septembre 1919, pour chercher mon mobilier et tout ce que j’avais laissé dans la hâte forcée de mon départ. J’avais vu des flots de mobilisés, grisés par les proclamations impériales, rouler en chantant vers la frontière, dans des trains où étaient tracées à la craie des inscriptions telles que celle-ci : « Vergnügensreise nach Paris ! — Voyage de plaisir à Paris ! » J’allais voir après plus de cinq ans comment nos ennemis portaient le poids de leur défaite. : Spectacle vengeur des angoisses qu’ils m’avaient fait subir, des indignations que j’avais éprouvées.

Au centre de Berlin, le décor, pompeux et théâtral, n’a pas changé. A peine si les façades latérales du « Schloss, » le palais de l’Empereur, gardent quelques traces de la révolution communiste qui a éclaté au mois de janvier. Les cariatides des portails montrent encore des blessures béantes faites par les obus. L’intérieur est clos ; il parait que les appartements du souverain ont été consciencieusement pillés par les marins et les soldats révoltés ; mais déjà on répare les dégâts extérieurs et les murs des écuries impériales qui ont le plus souffert sont cachés par des échafaudages. Cependant le cœur de cette ville, consacré à la gloire de la monarchie prussienne, encombré des images de ses princes, peuplé des statues de ses généraux, semble presque désert : il y manque cette royauté même, qui