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sur cet optimisme intempestif et sur ces illusions enfantines.

Le gouvernement se débat contre une crise économique intense, sans parler du terrible problème financier. Insuffisance des moyens d’alimentation et exigences des ouvriers en raison même de la cherté des vivres, manque de charbon causé principalement par la défectuosité des transports. L’Allemagne n’a pas assez de locomotives ; son matériel roulant s’est usé, faute d’huiles et de graisses. Comment écarter toutes ces menaces ? Elles deviennent chaque jour plus redoutables, à mesure que s’approchent l’hiver et le froid.

Le spartakisme a été vaincu, mais non réduit à l’impuissance. La cause de sa défaite fut le défaut d’entente de ses chefs. Les soulèvements communistes n’ont pas été simultanés, ce qui permit de les écraser successivement. Que serait-il advenu, nul ne le sait, si tous les foyers insurrectionnels s’étaient allumés en même temps et si leurs instigateurs avaient réussi à paralyser par des grèves ou par des destructions les transports de troupes sur les voies ferrées. Le spartakisme reste un danger incontestable. Ses adhérents les plus actifs et les plus résolus se recrutent dans la population israélite des grandes villes. A Berlin, les commerçants et les intellectuels juifs ont commencé, dès la seconde année de guerre, de pousser à la rébellion et de réclamer la paix. Ils forment aujourd’hui l’état-major du communisme et, comme tels, ils sont menacés par les réactionnaires de représailles et de pogroms.

Viennent les affres de la faim et la disette du combustible, on peut s’attendre à des pillages, même à des tentatives révolutionnaires, car la détresse des indigents et des affamés sera exploitée par les anarchistes. On vit pour le moment dans un calme passager. Combien de temps durera-t-il ? Quelques mois ou quelques semaines ? Sur quoi assurément tout le monde est d’accord, c’est que l’avenir ne s’éclaircira qu’au retour du printemps.


III

Voici maintenant un autre son de cloche. Il m’a été donné par un Allemand appartenant à la haute banque berlinoise, personnage considérable et fort estimé qui, à ma connaissance, n’avait pas approuvé la guerre. Patriote sincère, il s’exprime