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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/193

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peuvent se concilier. Le gouvernement allemand avait su y réussir et les agriculteurs allemands obtenaient de la potasse à bon marché, quoique les affaires de « Kali » fussent, grâce à l’exportation, très brillantes. Rien ne nous empêcherait d’adopter une ligne de conduite analogue, sauf à tenir compte de ce que la situation mondiale est loin de rester la même. Une certaine réglementation, dont l’Etat n’est pas l’arbitre nécessaire, mais dans laquelle on peut admettre son intervention, offre des avantages pour une substance dont le marché est aussi spécial et où l’on doit, pour être prudent, tenir compte de deux considérations opposées : la loi d’accroissement très rapide qui va accélérer les demandes et la possibilité de découvertes géologiques qui peuvent multiplier plus tard les concurrences.

Pour la période actuelle, c’est l’avidité de potasse qui va dominer. Le monde a été privé de cette substance depuis cinq ans et, partout, on aspire au moment où l’on pourra restituer aux champs les engrais, faute desquels les récoltes deviendraient bientôt déficitaires. Nous sentons vivement ce besoin en France, et jusqu’à ce que nos installations d’Alsace aient reçu leur développement, un emprunt temporaire à Stassfurt demeurera nécessaire ; mais la disette de potasse n’est pas moindre aux États-Unis, où on a dû, pendant la guerre, payer la potasse huit fois son prix d’avant-guerre. Avant que les exportations allemandes aient repris toute leur intensité, on imagine là, pour Mulhouse, un marché à conquérir. Telle que la paix a été signée, obtiendrons-nous une partie notable de cette fructueuse clientèle ? Cela dépendra beaucoup de la mesure dans laquelle l’Etat français saura se montrer commerçant avisé. Il aura là une balance délicate, à établir entre les besoins de nos agriculteurs et les intérêts de notre commerce national ou du trésor public. Tout au moins devons-nous supposer qu’on ne sacrifiera pas à la fois les uns et les autres en livrant une grosse partie de cette industrie si capitale à des groupements étrangers, fussent-ils même choisis parmi nos meilleurs alliés…

Les chiffres relatifs à la consommation mondiale sont les suivants. Le monde absorbait, avant la guerre, environ 1 000 000 tonnes de potasse par an (12 000 000 tonnes de sels bruts) : soit, en chiffres ronds, 6 000 000 tonnes de kaïnite (sulfate de potassium mêlé à des sels magnésiens et tenant 12,4