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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/231

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homme de Jacques avoue à sa mère son intime souffrance : Germaine le trompe, et avec qui ? avec ce Robert, qu’il traite comme un frère, qu’il a comblé de ses bienfaits ! La vieille dame se récrie. L’horreur d’une si noire trahison la rend à ses yeux impossible. C’est une femme évidemment qui a peu fréquenté le théâtre, où l’aventure est classique.

Jacques voudrait douter, et peut-être conserve-t-il malgré tout quelque espoir, un de ces fétus d’espoir auxquels, jusqu’à la dernière minute, essaient de se raccrocher les naufragés du bonheur. Ce qui est certain, c’est qu’il ne peut plus vivre en proie à cette torture et que le moment est venu pour lui de tout savoir. Donc il fait subir à Germaine un interrogatoire en règle. Dès les premiers mots, il est fixé : le ton même sur lequel cette aimable personne parle de sa tendresse, de son affection, de son amitié à un homme que dévorent tous les serpents de la jalousie, est suffisamment révélateur. Toutefois elle s’entête à ne pas avouer. Reste à questionner l’amant, et la cause sera entendue. Scène à voix basse, à mots couverts, à coups sourds et ripostes silencieuses. Jacques appelle Robert auprès de lui et, tandis que les conversations se poursuivent dans le salon, il lui murmure quelques phrases qui sont autant d’allusions transparentes. Il lui dit que Germaine a un amant, qu’il connaît cet amant, que demain il se battra avec lui. En même temps, il scrute le visage de Robert. Il le voit blêmir, ses traits se décomposer : habemus confitentem reum.... Ce qu’il faut louer dans cet acte, c’est la manière rapide et directe dont il est mené. Et c’est aussi la mesure avec laquelle sont traitées ces situations violentes. Elles eussent facilement tourné au mélodrame. Cette faute n’a été commise ni par l’auteur ni par ses interprètes. Dans ce dialogue « en dedans, » les mots disent moins qu’ils ne font entendre.

Pas d’entr’acte : le temps seulement de baisser et de relever le rideau. Jacques revient à la charge et arrache enfin à Germaine l’aveu de la trahison. Là, d’ailleurs, n’est pas l’intérêt : toute la somme d’émotion que contenait la situation de Jacques est épuisée. Mais il est un autre personnage dont la souffrance est pour nous toute neuve : c’est lui maintenant qui doit venir au premier plan. Après le drame du mari trompé, celui de l’épouse trahie. Dans cette pièce très bien faite, comme le premier acte avait appartenu à Jacques, le second acte appartiendra à Micheline. Une détonation a retenti dans la nuit. Micheline elle-même vient nous apprendre que Robert s’est logé une balle dans la tête. Robert, s’est tué :