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bonne volonté qu’il faut reconnaître. Elle s’est acquittée en hâte des dernières formalités qui lui restaient à accomplir et dans la soirée du 19 octobre, après avoir applaudi d’éloquentes paroles de M. Deschanel qui a été son actif président de guerre, elle a entendu le décret de clôture qui la renvoie à ses électeurs. Ce n’est plus déjà vers cette assemblée disparue que vont nos pensées : c’est à celle de demain qui est dépositaire de nos espérances. Jamais consultation nationale n’a été plus émouvante. Après cinq années d’efforts, de douleur et de gloire, nous vivons dans un air nouveau, tout frissonnant du battement d’ailes de la victoire. Entre 1914 et 1919, la plus grande histoire a passé. Que nous a-t-elle appris sur les mœurs politiques, sur les institutions, sur la meilleure manière d’administrer et de gouverner ? Que nous a-t-elle inspiré de sens pratique et d’esprit public ? Notre pays va le dire en choisissant les hommes à qui il confiera le soin d’organiser la France nouvelle, et le jugement qu’il va rendre aura un long retentissement sur ses destinées.


Les nouvelles de Russie montrent une fois de plus aux Alliés la nécessité de se créer une politique orientale. M. Clemenceau a déclaré qu’il n’y aurait pas de paix véritable en Europe, tant que la question russe ne serait pas réglée. C’est une constatation franche et qui répond à la réalité. La Russie est absente du traité, et les États fragmentaires qui ont survécu à l’écroulement de l’Empire ne savent pas encore comment ils s’organiseront : par suite de la défaillance de cet immense et obscur domaine, la moitié de l’Europe est hors de la paix. On ne sait même pas très exactement ce qui se passe et à quel point de son développement ou de sa décadence en est la tyrannie bolcheviste. Il y aura deux ans le 7 novembre que la république des Soviets a commencé sa néfaste histoire. Elle a beaucoup détruit et elle est certainement entrain de se détruire elle-même. Mais la chute est-elle aussi prochaine qu’on le souhaite ? Lénine est-il encore tout puissant ou est-il emprisonné ? Trotsky a-t-il quitté le front de l’Oural ? Il n’y a aucune certitude. De cette partie de l’Europe orientale il n’arrive que des rumeurs confuses, dominées par les cris pleins d’horreur de la souffrance et de la misère.

Dans ce chaos on a pu distinguer en ces derniers temps deux sortes d’actions qui cherchaient à s’exercer : celle des Allemands et celle des patriotes russes. Il n’est pas besoin de dire qu’elles ne se faisaient pas sentir dans le même sens. Non pas que les Allemands aient le moindre parti pris au sujet des groupements russes qu’ils soutiendront