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qui aspirent après cinq années dures et glorieuses à un avenir meilleur, le bolchévisme offre la perspective d’une société future qui ne se réalisera que par la souffrance. Il ne présente même pas le bouleversement social comme une opération de magie promettant tous les trésors ; il ose proclamer qu’il compte sur l’excès de la misère pour amener la révolution. Un peuple victorieux et qui veut vivre a d’instinct l’horreur de cette anarchie destructrice et de ce délire d’anéantissement.

Le bolchévisme a un autre aspect : il ne ruine pas seulement les conditions du travail et la paix publique ; il menace la sécurité de la patrie. Il ne représente pas en effet la doctrine d’un groupe d’isolés : il est une entreprise internationale. Né en Allemagne, il a été l’instrument dont s’est servi le germanisme menacé pour ruiner la puissance slave en 1917. Nous n’avions pas besoin de l’aveu de Ludendorf pour savoir que la révolution russe avait failli sauver l’Empire allemand, et nous voyons clairement que l’Allemagne compte encore sur l’expansion du bolchévisme chez les Alliés pour reconquérir plus vite sa place dans le monde et diminuer les effets de sa défaite. Un juste destin lui a imposé le mal dont elle avait affligé la Russie. Sous l’effort de nos victoires, elle a eu sa révolution et elle a eu ses soviets. Elle les a mis à la raison à coups de mitrailleuses. Aujourd’hui, tandis que les anciens partis allemands ont d’autres ambitions et attendent les circonstances favorables, le nouveau gouvernement de Berlin rêve peut-être d’une démocratie germanique fortement organisée. Mais il n’a pas renoncé à donner à autrui le désordre dont il ne veut pas pour lui-même. On exagérerait en voyant exclusivement l’influence allemande dans tous les mouvements qui se produisent de nos jours chez nos Alliés ou chez nous. Après un cataclysme de cinq années, il existe nécessairement des causes de trouble. Cependant il importe de constater les concordances des faits et de chercher à qui ils profitent. Dès les discussions relatives au traité de paix, des tentatives de grève générale ont lieu dans notre pays. Aussitôt après, c’est en Angleterre qu’a éclaté une grève des chemins de fer où M. Lloyd George a reconnu publiquement une entreprise révolutionnaire. Ensuite, et au moment où le Sénat discute le traité, l’Amérique a souffert d’une grève de mineurs, qui n’était pas due uniquement à des discussions sur les salaires et qui risquait de gêner gravement l’Europe. Quelle est la seule Puissance qui puisse recueillir quelque profit de ces troubles ? L’Allemagne. On sait de source certaine que c’est d’elle que part toute une