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penser tout de suite et c’est à l’étude de leur solution que les élections générales nous convient. Nous avons d’autant plus besoin d’y songer que pour nous ils sont particulièrement complexes et que nous avons plus souffert de la guerre qu’aucun autre pays. L’année qui s’est écoulée depuis l’armistice aura été féconde si elle nous a permis de faire un examen de notre situation et de dégager quelques idées essentielles sur les devoirs et les nécessités de demain.

Dès maintenant, il est une notion qui semble s’imposer à tous les esprits : c’est celle de l’ordre. La guerre, qui a suscité tant de magnifiques et de nécessaires improvisations, nous a fait sentir tout le prix de l’organisation. Elle nous a rappelé que cette organisation, quelle qu’elle soit, a pour essence, selon le mot de Taine, la hiérarchie, et qu’il n’est pas d’activité utile sans autorité, sans discipline, sans méthode. Dans tout le pays, il existe un désir général d’arrêter net le développement de cette forme de l’anarchie et de la révolution qui a pris le nom de bolchévisme. Les socialistes affectent de trouver un peu court et un peu simple le programme national dont le premier article est de mettre les bolchévistes hors de cause. Personne ne soutient que cette lutte résume à elle seule toute la politique. Elle ne saurait être la condition suffisante de l’avenir, mais elle en est assurément la condition nécessaire. Les socialistes auraient mauvaise grâce à se plaindre de cette vérité d’expérience, car ils ont tout fait pour attirer l’attention sur elle. Après avoir collaboré à la défense nationale, et participé même aux conseils du gouvernement, ils ont dès l’époque de la catastrophe russe incliné de plus en plus vers la révolution internationale. A dater de l’armistice, ils ont repris délibérément une attitude de combat à l’égard de la société. Ils ne se sont pas contentés de donner la direction de leur parti aux fractions les plus avancées. Ils viennent de pousser l’intransigeance jusqu’à exclure de leurs listes électorales des socialistes aussi attachés qu’eux à l’idée de la révolution, mais coupables à leurs yeux d’avoir voté les crédits de guerre et d’avoir eu des complaisances pour le gouvernement qui remportait la victoire. Deux ans après l’installation du régime affreux qui ravage la Russie, ils déclarent qu’ils ignorent encore les résultats de ce qu’ils nomment les « idées neuves » de Lénine et les conclusions de l’expérience soviétique. Comment le bon sens de l’immense majorité du pays ne serait il pas révolté par cette entreprise révolutionnaire ? A la masse des travailleurs qui peinent dans les champs ou dans les ateliers, qui veulent faire leur métier