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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/699

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rameaux et des fleurs que sur l’effigie divine, la foule, moins sévère que sa souveraine, a répandues. Nulle part l’imprévu et l’originalité ne sont les marques distinctives de l’art de M. Février. On le savait bien depuis Monna Vanna, depuis Carmosine encore mieux, et nous préférons Gismonda à Carmosine, mais non pas à Monna Vanna. Vous rappelez-vous le salut des vieillards au jeune Perdican : « Il est plus doux de retrouver ce qu’on aime que d’embrasser un nouveau-né. » Rien de nouveau dans Gismonda ; mais on y retrouve, à tout moment, des choses, un peu bien connues, des effets, un peu bien faciles, qu’on a la faiblesse de ne point haïr. Les œuvres de ce genre, qui ne causent nulle surprise, ne donnent aussi nulle peine. Il faut leur en savoir un certain gré. Ne soyons pas pour elles plus difficiles qu’elles ne le sont pour nous. Aimons, — oui, pour une fois le mot n’est pas trop fort, ou trop doux, — aimons, au second acte, un monologue de la duchesse, assise, le soir, à la fenêtre du monastère et rêvant aux étoiles. Sans doute on pourrait ici même reprendre quelque banalité, ne fût-ce que dans l’orchestre, où la flûte inévitable fait le petit oiseau. Mais le sentiment et l’expression générale est juste. Une mélodie ou mélopée flottante, interrompue et reprise, chante et parle à la fois. Les mots se détachent bien et s’accordent avec les sons. Tout indique, non sans finesse, dans l’âme de l’altière héroïne et dans sa voix, une sorte d’alanguissement et comme une préparation mystérieuse aux transactions prochaines. Enfin il y a là des accents, des silences même, où se reconnaît ce qu’on appelle, fût-ce à propos de musique, ou dans la musique, et ne sachant l’appeler autrement, la poésie.

La « grande scène du deux, » comme on dit en langage de théâtre, c’est le duo : duo d’amour, d’amour repoussé d’abord, puis insinuant, puis déclaré. Ce duo-là, Reyer autrefois, dans Salammbô, l’a manqué, n’ayant trouvé, pour en tenir lieu, que la phrase, très belle, mais unique, de Mathô : « Ne les détourne pas, ces regards radieux. » Le compositeur de Monna Vanna, (second acte également et situation analogue), s’en était, par moments, assez bien tiré. Le duo de Gismonda ne vaut pas son aîné. La musique y mêle à la violence, qui sied, une fadeur moins convenable, et la romance, ou quelque chose d’approchant, au mélodrame. Surtout un diable de solo de violoncelle, comme tout à l’heure le gazouillis de la flûte, nous a vraiment trop peu surpris. « Ne vous penchez pas ainsi au cantabile, c’est du charlatanisme. » Dans les Scènes de la vie bourgeoise d’Henri Monnier, un professeur de piano fait cette recommandation à son